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pour impressionner toute autre critique que la critique scientifique. Et encore n’est-ce qu’à une date relativement récente, que celle-ci s’est trouvée en mesure de les discuter et de les mettre en doute. Il n’est pas inutile de rappeler que l’opinion contemporaine était encore assez hésitante à cet égard, pour que Silberman, en 1859, ait cru devoir soulever devant l’Académie des Sciences la question de savoir si la taille humaine avait varié depuis les temps historiques. Il la résolut négativement. Il affirma que la taille des Égyptiens n’avait pas changé, depuis le temps de la construction des Pyramides. Mais les calculs d’où ce savant déduisait la stature des contemporains du roi Chéops, pour la comparer à celle des hommes d’aujourd’hui, présentaient encore quelque incertitude.

Il n’en est pas de même pour les méthodes de l’anthropométrie nouvelle. Elle n’accorde qu’une confiance limitée aux témoignages des historiens, des géographes ou des voyageurs. Elle ne se fie qu’à des mesures scientifiques. La taille des populations disparues est obtenue directement par la mensuration de leurs squelettes, ou de quelqu’une des parties de leur squelette dont les relations avec la taille ont été établies par une étude préalable très approfondie. Personne n’a poussé plus loin que M. L. Manouvrier la détermination précise de ces rapports, longtemps méconnus, qui existent entre les diverses parties du squelette. Il a, en quelque sorte codifié, à l’usage des anthropologistes, les règles anciennement esquissées par Orfila et révisées par Topinard et E. Rollet en France, par Humphry et J. Beddoe en Angleterre, par Langer et Toldt en Allemagne. Il a établi une sorte de tableau barème, qui permet de déduire des dimensions du fémur et du tibia la stature véritable. On connaît le degré d’approximation des résultats que fournit le procédé, l’étendue des écarts extrêmes, les causes de ces écarts, les conditions, enfin, qu’il faut observer pour les réduire à la moindre valeur possible. Armée de ces moyens d’investigation, l’anthropologie contemporaine a pu s’attaquer aux préjugés qui ont longtemps régné relativement à la stature gigantesque des lointains ancêtres de l’homme et à la prétendue réduction progressive qu’aurait subie la taille humaine.

Ces erreurs et ces exagérations ont été recueillies, transmises et propagées par les historiens de tous les temps. Quant à l’origine de ces idées, à la première expression qu’elles out reçue, c’est