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décoration que ceux de Vopiscus, Stace ne nous l’a pas dit, mais nous pouvons l’affirmer sans rien hasarder de téméraire. Un portique immense montait depuis la plage, en nombreuses sinuosités, sur le flanc de la falaise, et conduisait les visiteurs, à l’abri du soleil, jusqu’à l’habitation proprement dite. De ces avenues couvertes qui avaient, elles aussi, leur raison d’être contre la chaleur ou la pluie, le luxe s’était emparé comme des thermes, pour en faire de splendides constructions. Tout propriétaire de villa importante possédait des portiques et les multipliait, ici pour se défendre du brûlant sirocco, là pour mieux recevoir la brise de la mer ou du lac, très souvent encore par simple amusement et pour égayer le paysage d’un motif d’architecture. On aime la nature alors, mais non pas pour elle seule. On la veut parée, embellie, animée par la présence de l’homme ou complétée par quelque œuvre du génie humain. C’est ce que nous font bien voir les fresques des habitations de Pompéi ou celles d’autres villas aux environs de Rome, comme aussi les gracieuses décorations en stuc de la maison antique qui s’élevait le long du Tibre, à l’emplacement de la Farnésine. Les unes et les autres reflètent le goût contemporain. Qu’y trouvons-nous ? Le sujet, quand il n’est pas mythologique, représente presque toujours un paysage. Mais ce paysage n’est pas à lui-même sa raison d’être ; il est là. pour servir de cadre à des scènes de l’humanité, cadre d’une rusticité tout élégante, avec des statues au bord d’une fontaine, au pied d’un arbre, avec des pavillons, des autels, des sanctuaires champêtres à l’arrière-plan. Si parfois les personnages sont l’accessoire, s’ils sont même absens (ce qui est rare) quelque terrasse ou belvédère, quelque portique profilant sa colonnade montrent encore que l’homme a pris possession de cette nature et l’a marquée de son empreinte.

C’est bien là, aux yeux de Stace, un des mérites de la villa de Sorrente : la terre y a senti la rude main de Pollius, qui l’a façonnée, bouleversée, domptée à sa guise. Déjà, pour construire l’avenue qui du rivage menait à la maison, il avait fallu vaincre l’âpre falaise. Mais voici des tentatives plus hardies et des succès plus étonnans : « Là où vous voyez maintenant une plaine, se dressait une montagne ; où vous entrez dans une superbe demeure, régnait la solitude, repaire des bêtes ; où vous admirez de hautes forêts, s’étendait la pierre nue. Partout le maître a triomphé. Regardez comment les rocs ont appris à