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maisons, mais dans la manifestation générale de son activité. Si vos yeux ont ainsi tout loisir d’enregistrer des impressions, vos oreilles ne sont pas inactives. Des sons de toutes sortes et de cent variétés, — depuis un vieux refrain qui sort d’une maison de thé jusqu’aux appels des marchands ambulans, et d’un cri d’enfant à la querelle exaspérée où le seul argument convaincant semble être la force de la voix, — montent en un assourdissant crescendo dans l’espace.

Chaque pas réserve une nouvelle surprise. Par bonheur, aucun guide n’a encore été écrit pour détailler les beautés de la capitale mandchoue et aucune description encombrante n’altère le charme de la réalité.

Pour se représenter Moukden, il faut imaginer un échiquier oblong. Comme toutes les villes chinoises, elle est régulière dans ses grandes lignes : deux rues principales en croix et d’innombrables petites rues qui les coupent. Au croisement des deux grandes rues, au milieu de la ville, s’élève une grande tour, au sommet de laquelle un tambour et un gong servent à annoncer le commencement et la fin de la journée et à sonner l’alarme en cas de danger. Il y a une petite salle pour un détachement de soldats qui passent ; leur temps de garde dans un paisible sommeil.

Il serait difficile d’énumérer les curiosités de Moukden, car il n’est rien, fût-ce la plus petite bicoque avec son toit bizarre et son singulier style, qui n’y puisse intéresser un Occidental, non seulement au point de vue des matériaux et des formes, mais comme indice de l’esprit et des conceptions architecturales d’une nation. Comme je l’ai déjà dit, c’est l’effet général qui est si charmant, le pittoresque et la nouveauté qui nous frappent. Parfois les maisons sont très délabrées, les murs penchent et sur quelques toits pousse un vrai jardin de mousses et de fleurs ; mais ce n’est qu’une raison de plus pour le peintre de considérer qu’il a un objet sans prix sous les yeux.

Parmi les édifices publics les plus intéressans, il y a quelques yamens appartenant au Gouvernement, occupés par le gouverneur et quelques autres mandarins ; un ou deux monastères de Llamas et les vastes bâtimens où résident le consul de Russie et le général en chef. Enfin — et non le moindre — celui qui est occupé par la fameuse banque russo-chinoise et ses agens.

C’est naturellement le Palais Impérial qui offre le plus