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frappé en 1851 par les commissions mixtes, en 1858 par la loi de sûreté générale, l’avocat Manau ; et Manau « fait part » au gouvernement qu’ « elle a reçu tous les pouvoirs administratifs, politiques et judiciaires, » comme si cette autorité, définitivement conférée par Toulouse, existait indépendante de Paris. L’audace à usurper, la jalousie à retenir lui sont en effet nécessaires, car aussitôt elle s’exerce au profit exclusif de ceux qui l’ont saisie. Certes, si l’on eût interrogé le peuple, il n’eût pas dit que la guerre la plus essentielle à soutenir en ce moment était contre la magistrature. Si, dans les procès politiques, les juges s’étaient montrés des serviteurs plus que des arbitres, hors ces cas exceptionnels, ils inspiraient par l’impartialité de leur caractère comme par la dignité de leur vie, confiance et respect. Seuls, les agitateurs et les agités qui, par la plume, la parole, les attroupemens ou les conspirations, avaient attaqué l’Empire, pouvaient se plaindre des sentences. Mais les représentans imprévus de la Haute-Garonne, solidaires de l’Émancipation, avaient à venger les condamnations du journal ; et parmi eux quelques membres du barreau, avocats habituels des accusés politiques, avaient reçu plus d’une fois les contre-coups des rudesses peu ménagées à leurs cliens. Frapper les magistrats à leur tour était d’abord goûter la satisfaction des représailles, ensuite, par des destitutions, ouvrir des vacances et peut-être succéder aux exclus, double avantage. Aussitôt cette ardeur de suspicion politique et d’ambition personnelle devient le grand souci. La dépêche où Manau annonce à Paris la création de la commission est adressée au ministre de la Justice ; ou y présente « la délégation des pouvoirs judiciaires » comme la plus urgente à exercer, et les magistrats du parquet de Toulouse comme les « persécuteurs de la démocratie, et de la presse républicaine. » La population, émue et irritée, désire ardemment leur révocation immédiate. Il importe, dans l’intérêt de l’ordre, que satisfaction soit donnée sans retard à l’opinion publique. « Nous allions nous-mêmes procéder provisoirement à cette révocation et au remplacement de ces fonctionnaires ; mais nous avons jugé convenable auparavant de vous demander un télégramme autorisant les mesures que nous croyons urgent de prendre. Nous l’attendons. » Au milieu de ses premiers soins, le gouvernement n’a pas le loisir de répondre. Dès le lendemain, le procureur général et le procureur impérial de Toulouse sont révoqués par la commission