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le désir, l’impatience, le fanatisme de la République. Ces sentimens ne fussent-ils que ceux d’une minorité, du moins partout présente se renvoyait-elle, des petites villes aux grandes, l’écho de sa voix assez répété et assez bruyant pour faire illusion aux autres, à elle-même, et échanger comme des défis d’audace et de violence. Avant le 4 septembre, les conseils municipaux de ces villes sont déjà républicains : seuls, les maires et adjoints, à la nomination du gouvernement, représentent l’autorité de l’Empereur. Partout les conseils les remplacent par les plus républicains de leurs membres, et n’ont pas besoin d’autre changement pour assurer à la République l’autorité dans leur commune. À Draguignan, le conseil municipal dépose, sans plus de façons, le préfet impérial. Il se déclare en permanence et « délègue trois de ses membres installés à la préfecture, en attendant la nomination du préfet de la République. » À Toulon et à Brignoles des hommes du pays, devenus sous-préfets par invasion à la tête de leurs partisans, le demeurent par décret du gouvernement sur la demande du préfet. Le préfet, lui-même ancien déporté de 1851, Paul Cotte est choisi parce qu’il est le chef des républicains à Draguignan. Si le gouvernement oublie que remettre les fonctions publiques aux chefs d’une faction nombreuse et exaltée est se préparer des embarras ou des capitulations, un intérêt particulier le pousse : Laurier, secrétaire général de l’Intérieur, a été candidat « irréconciliable » dans le Var, et il compte s’y présenter de nouveau. Il n’a pu mener sa campagne d’hier, il ne peut réussir demain que par le concours des influences locales ; en les portant aux fonctions publiques, il paye ses dettes de la veille et s’assure pour le lendemain des agens qu’il rend plus forts sur le suffrage universel. Mais cette raison n’est que la petite : la grande est que le gouvernement ne serait pas sûr d’être obéi, s’il n’obéissait pas lui-même aux maîtres locaux de ce peuple.


III

Entre le Midi et les autres régions de la France, la dissemblance se précise d’elle-même par ces faits. Dans le reste de la