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elle a proclamé la République et dissous le conseil municipal. Selon le rite invariable de ces substitutions, une « commission provisoire » le remplace et annonce, le 5 septembre au matin, à Paris qu’elle « se tient à la disposition de la République. » Les meneurs que ces actes d’initiative ont excités, ne sont pas satisfaits de Lisbonne : ils le jugent tiède. Le 8 septembre, ils vont l’attaquer jusque dans Montpellier où ils promènent le drapeau rouge ; sur plusieurs points de la ville, la gendarmerie a peine à se dégager, un chef d’escadron est blessé au front par un tronçon de bouteille. Néanmoins la fièvre que ces agitateurs apportent de Cette s’éteint d’elle-même dans Montpellier. Il faudrait, pour révolutionner vite, la puissance de l’Etat : c’est vers elle que les démagogues se tournent d’instinct. Sûrs de Vernhes, qui tient encore la sous-préfecture par droit de conquête, ils s’assemblent à Béziers, s’y déclarent « congrès du département, » et, à ce titre, réclament « la nomination du citoyen Delescluze comme commissaire extraordinaire dans le département de l’Hérault et du Gard[1]. » Le gouvernement juge qu’il peut, à moins de frais, sinon satisfaire, du moins contenir ces exaltés. Il confirme Vernhes dans les fonctions de sous-préfet pour mettre à l’attache le révolutionnaire et enlever aux démagogues leur place forte dans l’Hérault.

Le congrès de Béziers avait prouvé que ces jacobins, si jaloux d’être maîtres chez eux, prétendaient l’être aussi chez les autres : ils appelaient une dictature de leur choix, non seulement sur l’Hérault mais sur le Gard. Le Gard en effet ne manifestait, même dans les centres ouvriers d’Alais, aucune agitation, et Nîmes était la seule ville où la démagogie eût trouvé contre ses tentatives audacieuses une résistance armée. Dans la campagne plébiscitaire, les conservateurs l’avaient emporté sur les républicains. La lutte du « oui » et du « non » s’était continuée lors des élections municipales ; les conservateurs avaient été encore victorieux, et, chose insolite ! s’étaient montrés prévoyans. Dans la garde nationale ils avaient trié les hommes les plus énergiques au nombre de trois cents, et les avaient répartis en trois compagnies de, « garde urbaine. » Le 4 septembre, les chefs du parti avancé apprennent, avant l’arrivée des télégrammes officiels et par des dépêches envoyées de Lyon, les événemens, et se préparent.

  1. Id., p. 1035 et 1036.