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on est bien obligé de convenir que la concession faite par Rome n’était pas vaine. Le Premier Consul avait l’esprit trop pratique pour s’y tromper ; il y tenait essentiellement ; il savait bien ce qu’il faisait en la demandant. Mais cette concession n’était pas sans contrepartie. L’article 12 du Concordat disait : « Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront mises à la disposition des évêques.  » L’article 14 disait : « Le gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les paroisses seront compris dans la circonscription nouvelle.  » L’article 15 disait : « Le gouvernement prendra également des mesures pour que les catholiques français puissent, s’ils le veulent, faire en faveur des églises des fondations.  » Tous ces engagemens pris par le Pape et par le gouvernement de la République, ou pour mieux dire échangés entre eux, étaient solidaires les uns des autres, et l’on ne saurait dès lors en bonne logique, ou plutôt en bonne morale, les dénoncer qu’en vertu d’un accord nouveau. Qu’on ne s’y méprenne pas ! Nous n’avons garde de demander, qu’après avoir dénoncé le Concordat on en fasse un autre. Non : c’est tout un régime nouveau à substituer à un régime ancien, et qui procède d’autres principes. Mais encore l’Église doit-elle être entendue. Elle a son mot à dire dans une question qui est pour elle une affaire de vie ou de mort. Dénoncer le Concordat sans aucun aveu de sa part, et lui imposer d’autorité de prétendues conditions d’existence qui seront peut-être pour elle des impossibilités de vivre, n’est autre chose qu’un abus de la force contre le droit éternel.

Nous admirons nos radicaux et nos socialistes qui font si bon marché des traités, et qui affirment que chacun des deux contractans est libre de les dénoncer lorsqu’il en a assez. C’est une règle commode. Il est fâcheux qu’on ne puisse l’appliquer qu’au Pape : sans cela nous aurions bien encore un certain nombre de traités à dénoncer. Malheureusement la partie adverse ne s’y prêterait peut-être pas, préoccupation au-dessus de laquelle on se place fièrement lorsqu’il s’agit du Pape, mais qu’on continue d’éprouver modestement lorsqu’il s’agit du plus petit souverain temporel. L’arrogance envers les faibles, la platitude envers les forts, ne le fussent-ils même pas beaucoup, seraient-elles devenues les élémens de notre caractère national ? Nous n’en croyons rien de la part du pays, mais il faut bien le croire de la part de ceux qui le gouvernent. Il n’est pas vrai, quoi qu’en disent les docteurs de la nouvelle école, que les traités perdent de leur vertu