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que la religion catholique, apostolique et romaine est celle de la majorité des Français, et que les consuls de la République en font une « profession particulière.  » Nous n’en demandons pas tout à fait autant à nos consuls d’aujourd’hui : encore faudrait-il qu’ils fissent profession de respecter une religion à laquelle ils sont libres de ne plus croire, et cela suffirait pour maintenir entre les représentans de cette religion et eux des rapports tolérables. Nous n’en sommes plus là ! il y a, de la part de notre gouvernement, un parti pris, sinon de persécution, — cela viendra sans doute et se prépare, — au moins de vexations continuelles et d’humiliations imposées à l’Église qui ont pour objet évident de l’amener à sortir des gonds et à rompre elle-même un contrat dont on fait pour elle une servitude. Les preuves de ce dessein se multiplièrent tous les jours.

Ainsi, pour en revenir aux faits qui ont donné naissance à la situation actuelle, quoi de plus déplacé, quoi de plus arbitraire et, à quelques égards, de plus ridicule, que l’interdiction faite par M. Combes à deux évêques de répondre à la convocation pontificale et de se rendre à Rome  ? C’est là, à coup sûr, de la bien petite guerre ! L’attitude de M. Combes se comprendrait s’il croyait, s’il pouvait croire qu’il y a eu, de la part du Pape, une intention mesquine, taquine et systématiquement guerroyante contre les deux évêques en cause. Mais il n’en croit rien et n’en peut rien croire. Il sait parfaitement que, pour le moins dans les apparences, la conduite des deux prélats en cause prête à la critique., Quoi de plus naturel que le Pape veuille exercer avec eux son ministère ? Quoi de plus singulier que M. Combes veuille l’en empêcher ?

De ces deux évêques, l’un, celui de Dijon, a fini par se dégager de l’étreinte toute laïque de M. Combes : il est parti pour Rome. Mais l’autre, moins sûr de lui peut-être, après être venu à Paris où il a reçu les instructions de M. le directeur des Cultes, est retourné à Laval, bravant de loin les foudres pontificales auxquelles il y a lieu de croire qu’il n’échappera pas. Cette lutte entre un évêque et le Pape, même lorsque le premier est soutenu par M. Combes, est tout à fait inégale. Que fera l’évêque, que pourra-t-il faire s’il est interdit a divinis, ou même frappé d’excommunication  ? Sans doute il pourra rester dans son palais épiscopal et continuer d’y jouir de son traitement ; mais il ne pourra plus entrer dans sa cathédrale, à moins qu’il n’y soit accompagné par la force armée, et dans ce cas, il n’y trouvera aucun catholique. Se consolera-t-il par la présence des libres penseurs, et peut-être des fonctionnaires que M. Combes enverra