Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/960

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

communication immédiate, et c’est seulement dans le cas où les : évêques auraient encouru des peines graves, sous le poids desquelles leur caractère épiscopal aurait succombé, qu’il aurait eu à se mettre d’accord avec lui sur les dispositions à prendre.

Cette thèse, soutenable dans ses élémens essentiels, paraît avoir été présentée avec une entière bonne foi. En fait et dans sa conduite, le Saint-Siège ne l’a peut-être pas appliquée de la manière la correcte, ni la plus opportune ; mais ce sont là des détails sur lesquels on aurait pu s’entendre, et qui n’auraient pas amené une rupture si la rupture n’avait pas été décidée d’avance. Sur le fond des choses, le Pape avait raison. Le Concordat ne l’a nullement privé et ne pouvait pas le priver de son droit de juridiction sur les évêques. Poussons les Choses à l’extrême : qui pourrait lui contester ce droit s’il se trouvait en présence d’un évêque formellement hérétique, ou encore d’un évêque dont la conduite serait devenue un scandale public ? Le droit est indéniable, et toute la question est de savoir dans quelles conditions le Pape peut l’exercer. Qu’y a-t-il de sa part de plus naturel, de plus légitime, de plus indispensable même, que d’appeler l’évêque suspect à Rome pour qu’il puisse s’y défendre ? Mais ici on se heurte à un des articles organiques qui, en imposant aux évêques la résidence, leur interdit de sortir de leur diocèse sans une autorisation du gouvernement de la République. Les articles organiques sont une loi de l’État et on leur doit le même respect qu’aux autres lois de l’État ; mais un grand nombre d’entre eux sont tombés en désuétude, et il y en a même qui n’ont jamais été appliqués. Si les articles organiques sont des lois de police, comme cela résulte de l’article 1er du Concordat auquel on les rattache, nous dirons que les lois de police sont contingentes de leur nature, et que le gouvernement reste juge de leur opportunité et maître de leur exécution. En fait, et depuis longtemps, les évêques se rendent à Rome lorsqu’ils le jugent à propos, et le gouvernement a rarement songé à les en empêcher. On peut faire, non seulement des articles organiques, mais du Concordat lui-même, un instrument de persécution : il suffit de le vouloir. Peut-être même n’y a-t-il pas de lois dont on ne puisse faire un usage abusif : mais cela est vrai surtout de celles qui consacrent un contrat. Rien ne dispense d’une bonne volonté réciproque dans la manière de les appliquer. Le Concordat a pu maintenir la paix intérieure pendant tout le cours du siècle dernier, ou peu s’en faut, par ce qu’il a été appliqué dans cet esprit. A partir du jour où il l’a été dans un esprit différent, ses effets n’ont plus été les mêmes. On lit dans le préambule de ce traité fameux