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commissaire par le Gouvernement : sa nomination semble une garantie pour les démagogues et les tient en repos. Dans la Nièvre ils agissent : à Cosne, Gambon saisit l’autorité et « décrète à tort et à travers[1] ; » à Château-Chinon, le premier conseiller municipal prétend que le sous-préfet lui cède la place ; à Clamecy, une commission municipale qui s’est élue destitue de sa propre autorité le maire et le sous-préfet[2]. Dans l’Allier, Mathé tente l’invasion de la préfecture. A Moulins sa liste, il n’y a pas un mois, réunissait 250 voix contre 2 200 obtenues par des candidats modérés : qu’importe ? Un vrai révolutionnaire ne se soumet pas à la volonté publique, il la soumet. Mais ces tentatives ne recrutent et ne meuvent que quelques groupes. Elles échouent contre l’inertie générale. Même ces populations gardent la prudence paysanne, se dérobent aux risques, et attendent : le gouvernement du 4 septembre n’a rien à craindre d’elles. Libre, il ne remet l’autorité à aucun des socialistes agraires qui ont voulu la prendre : Mathé n’entre pas plus à la préfecture de Moulins, que Massé à celle de Ne vers ; Gambon obtient pour toute faveur qu’on arrête l’instruction commencée contre lui ; Girault lui-même, impuissant à empêcher que le seul candidat dont il ne veuille pas devienne préfet du Cher, donne sa démission. Ces disgrâces de ceux qui semblaient les maîtres du peuple n’excitent pas même une rumeur de ce peuple. Il n’a vraiment qu’un maître, l’État. L’Etat lui donne pour conducteurs à Moulins un médecin de Paris, à Nevers et à Bourges deux avocats du pays, Girerd et Louriou, républicains déclarés, et qui, sous le nom de la République, veulent assurer le pouvoir à leurs amis, mais non appeler au partage des biens les multitudes. Semblables aux grands troupeaux qui ne choisissent pas leurs bergers et, en quelques mains que soit le bâton du pâtre, se laissent conduire, ces multitudes suivirent dociles les chois désignés par le gouvernement.

L’anarchie morale qui, sous l’obéissance, germe dans ces provinces ne s’étend pas au Limousin. Là, presque toute la population est paysanne, attachée à son sol, à son existence bien que dure, et ne se soulève ni contre son sort ni contre le pouvoir. Elle a constamment nommé des mandataires dévoués à l’Empire. Mais une industrie est concentrée à Limoges avec la fabrication

  1. Dépêche du préfet républicain, Id., 1199.
  2. Id., 1198.