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détaillées de la paix future, que de celles premières et générales sur lesquelles pourrait s’asseoir une négociation… Il s’agira alors d’un lieu de réunion… Prague paraîtrait le plus convenable. » C’est-à-dire que, suivant la tactique imaginée en 1805[1], il produira d’abord des propositions générales, assez vagues encore, qui seront le minimum de ce qu’on exigera, plus tard ; elles serviront d’amorce, et, une fois la négociation entamée sur ces bases provisoires et décevantes, on la reprendra en sous-œuvre, on l’étendra, on la développera selon les circonstances de la guerre et la fortune, des armes. Jamais, même en cette première période, même en ces premiers pourparlers, il ne fut question d’arrêter des conditions de paix immuables, à accepter ou refuser par oui ou par non, à signer dans les vingt-quatre heures ; et c’est de la sorte qu’il conviendra, dorénavant, d’interpréter toutes les ouvertures de Metternich à Napoléon, si on veut en pénétrer la politique, en démêler l’artifice et en connaître la vraie portée.

Il commenta lui-même les instructions de Wessenberg dans ses entretiens avec le comte Hardenberg, le Hanovrien[2]. « Le comte Metternich me dit et il le répéta au baron de Humboldt, rapporte cet agent, que, lorsque la partie serait bien engagée de ce côté-là, et que la Russie porterait 200 000 hommes sur l’Oder, si la Suède débarquait avec 30 000 hommes, et si le Danemark au moins restait neutre, l’Autriche déclarerait la neutralité de la monarchie ; qu’en attendant, elle formerait dans son intérieur jusqu’à la fin de mars une armée de 100 000 combattans effectifs, qui, avec les dépôts et avec les non-combattans, feraient 150 000 et figureraient pour 200 000, sur la destination desquels la France, malgré la protestation de l’Autriche, conserverait toujours des doutes, tandis que, dès ce moment, il donnerait les assurances les plus positives à la Russie et à la Prusse que ces forces n’agiront jamais contre elles ; enfin que s’étant, en attendant, entendue sur les bases de la paix avec les puissances en guerre contre la France, l’Autriche se déclarerait contre celui qui se refuserait à la paix, menace qui, dans la supposition que l’on se soit entendu avec l’Angleterre, la Russie et la Prusse, ne peut être dirigée que contre la France. »

  1. Voyez dans la Revue du 15 août 1903 l’étude intitulée : la Coalition, traité du 11 avril 1805.
  2. Rapport de Hardenberg, 7 février 1813, en français.