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fortune ! Mais, sur 7 900 ouvriers attachés aux 6 808 métiers du Syndicat des fabricans de toiles d’Armentières, ils sont en tout 154. — Je vois encore, au fond de l’échoppe où s’entassaient ses neuf enfans et sa femme, suivant attentivement, sur un petit poêle, la cuisson d’une chaudronnée de pommes de terre, les yeux blancs d’un pauvre cordonnier, à qui nous disions : « C’est dur, n’est-ce pas ? Il faut trimer. Vous aimeriez mieux être pareur ? » — S’il eût mieux aimé être pareur ! L’idée même qu’il eût pu aspirer à une aussi brillante situation paraissait ne lui être jamais venue.

Pour 60 heures de travail, les bobineuses, dans le tissage, gagnent de 6 à 25 francs, la plupart entre 13 et 21 francs ; les ourdisseuses, de 12 à 30 francs, la plupart entre 20 et 30 ; les épeuleuses, apprenties, de 6 à 12 francs, ouvrières faites, de 12 à 21 ; la plupart, entre 12 et 18 francs par semaine. Mais seules les épeuleuses, dont le travail marche de pair avec le travail du tissage, font régulièrement des semaines de 60 heures. La semaine de travail est plus courte, — et moins rétribuée, — pour les ourdisseuses et les bobineuses. Le rapport du Syndicat des fabricans de toile note à ce sujet : « La plupart des tissages étant largement outillés en préparation, les bobineuses… travaillent généralement moins de 60 heures par semaine. Ce défaut d’équilibre entre les préparations et le tissage est en quelque sorte forcé. La diversité des genres que l’on est obligé d’aborder dans la fabrication exige une préparation plus étendue afin de ne pas se trouver pris de court lorsque l’on fera beaucoup de gros. D’un autre côté, les ouvriers qui travaillent au tissage tiennent à avoir leurs enfans occupés aux préparations, et l’on est amené à remplir les salles de préparations de plus d’ouvrières qu’il n’est nécessaire, ce qui a pour effet de diminuer la quantité du travail à répartir entre elles. Il n’est pas d’usage ici de renvoyer des ouvriers parce que le travail diminue. Les ouvriers aiment mieux en général subir une réduction sur leurs heures de travail que de voir une partie d’entre eux quitter l’atelier. Du reste, les femmes et les jeunes filles occupées aux préparations s’accommodent bien de ce régime, qui leur permet de ne pas négliger les travaux du ménage. »


Point de contrat de travail particulier ; rien que les prescriptions, si vagues, du Code civil concernant le louage de