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la matière est bonne, le travail des fileuses est « léger » et, comme à la préparation, réclame plus de soin que d’effort. Si, au contraire, la qualité du lin ou des étoupes est médiocre, la besogne devient plus pénible, car alors il faut « être sur pied » et « se dégourdir. » Toutefois, comme il est de l’intérêt des patrons que le fil « tienne » et « donne de la production, » ils ne supportent pas que la matière soit trop mauvaise, et par conséquent la peine des fileuses n’est jamais extrême. Celle des démonteuses est moindre encore. Ce sont, il est vrai, de toutes jeunes filles, des apprenties ; mais leur travail est intermittent : une demi-heure d’activité implique pour elles un quart d’heure d’arrêt ou de repos : que n’en peut-on dire autant de l’atelier des préparations, où la loi des Dix heures a eu cet effet imprévu, en tout cas non voulu, — péché du législateur ou d’un autre ? — d’imposer à tant d’ouvrières un travail sans repos ni arrêt !

L’opération du dévidage se fait en général mécaniquement. Comme presque tous les travaux qui, dans la filature du lin, sont confiés à des femmes, elle exige surtout de l’attention, mais une attention soutenue, et même tendue, qui est, en ce genre d’ouvrage, la principale fatigue. L’hygiène des salles de filage et de dévidage, longtemps défectueuse, s’améliore : elle est bonne, maintenant, ou tout près de l’être ; l’hygiène des salles de carderie commence à l’être ; partout on installe des ventilateurs, plus utiles là que nulle part, car nulle part davantage la poussière n’épaississait l’air et nulle part davantage on n’était. forcé de respirer cet on ne sait quoi d’irrespirable, il faudrait presque dire de manger l’espèce de bouillie que fait, dans l’humidité chaude des filatures, le mélange de l’air trop avarement mesuré et de la poussière du lin.

Les ouvriers spéciaux compris dans la catégorie : Divers, — si l’on en peut former une catégorie, — ne sont pas à plaindre. En tant que la définition de la peine du travail : « une action rapide et continue à une haute température, » s’applique aux industries textiles, ils sont de ceux qui ont le moins de peine, puisqu’ils se reposent quand ils se sentent fatigués et qu’ainsi, lors même que les deux autres conditions, l’élévation de la température et la rapidité de l’action, seraient réunies, la troisième manque, qui n’est pas non plus négligeable, la continuité.

En regard de la peine, mettons à présent le prix du travail. Et d’abord portons pour ordre ou pour mémoire le contremaître