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l’Autriche tiendra ferme dans son alliance avec la France. Quand cela ne serait pas, ma position est bien différente de celle de cette puissance. Je suis l’allié naturel de la France… Dites à l’Empereur que pour des sacrifices pécuniaires, je ne peux plus en faire ; mais que s’il me donne de l’argent, je puis encore lever et armer 50 à 60 000 hommes à son service. » C’eût été le comble de l’artifice, non seulement de faire lever par Napoléon l’interdit placé sur l’armée prussienne, mais de se faire encore payer par lui les troupes destinées à le prendre à revers. L’allié naturel de la France ! ces propos philosophiques sentaient la Révolution ; ils rappelaient les temps du Conseil exécutif et du Comité de l’an III. Le brave Augereau s’en trouva tout réconforté : « J’ai la plus grande confiance dans le dévouement que porte le roi de Prusse à Sa Majesté l’Empereur, écrit-il ; mais il faudrait aussi que l’on eût un peu plus de confiance en lui. Ce pays n’est maintenu que par le calme de son souverain[1]. »

A Vienne, en ces mêmes jours, Otto résumait les conversations de Metternich : « Le gouvernement a eu assez de fermeté pour maintenir le système de l’alliance, et l’on peut dire que les derniers revers n’ont servi qu’à confirmer ses dispositions… Dites-nous franchement, m’a répété tout à l’heure le ministre, ce que vous voulez faire et mettez-nous dans le cas d’agir envers vous comme un bon allié, et envers les autres comme puissance indépendante… Que l’Empereur ait en nous une confiance entière[2]… » En d’autres termes, qu’il nous relève de l’alliance et il verra combien nous serons fidèles ! Vraiment, Maret, si souvent accusé d’avoir fermé les oreilles aux conseils salutaires de, Metternich, se montrait plus clairvoyant que ses critiques lorsqu’il mandait à Otto, le 7 janvier : « L’Empereur a le droit d’être méfiant, après avoir été si souvent trompé. »


III

En 1814, le mouvement tournant accompli et le succès obtenu, Metternich écrivait au chancelier Hardenberg[3] : « Le jour où Sa Majesté Impériale a pris sur elle de

  1. Rapports de Saint-Marsan, 11, 12 janvier ; Augereau à Berthier, 12 janvier 1813.
  2. Rapports d’Otto, 28 décembre 1812, 8 janvier 1813.
  3. 22 octobre 1814.