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internationaux partis, les troupes russes ne se retirèrent pas, et, sous prétexte de protéger la voie ferrée, elles occupèrent effectivement la Mandchourie. Ainsi, tout autour de la Chine, les Russes étendaient silencieusement le réseau de leur domination, tandis que, grâce à l’habileté de leur politique, ils exerçaient une influence prépondérante sur le gouvernement même du Fils du Ciel, réinstallé grâce à eux dans une capitale qu’il n’avait pas dépendu d’eux de préserver de la souillure d’une longue occupation étrangère.

De la crise de 1900, les Japonais, eux aussi, étaient sortis grandis. Grâce à la situation géographique de leur pays, ce sont leurs troupes qui, avec les bataillons russes, ont pu, les premières, se trouver en force devant Tien-Tsin ; sous les yeux des généraux européens, ils ont tenu à prouver non seulement la bravoure, éclatante jusqu’à la témérité, de leurs soldats, mais encore la bonne organisation de leur service de renseignemens, de leur intendance, de leurs transports, de leurs ambulances ; leur connaissance du pays et de la langue rendit les plus grands services au corps expéditionnaire ; si bien qu’à certains momens on aurait pu croire leurs officiers chargés de faire aux Occidentaux les honneurs d’un pays encore peu civilisé, mais destiné à devenir un jour leur domaine. C’est grâce à l’insistance de leur chef et aux renseignemens de ses espions que fut décidée la marche sur Pékin et c’est surtout grâce à leur énergie qu’elle fut poussée rapidement et que les légations furent délivrées. En somme, durant la campagne et les négociations qui suivirent, les généraux et les diplomates japonais, en prenant part, avec les représentans de la vieille Europe et de la jeune Amérique, aux conseils de guerre et aux délibérations des ministres, ont forcé les portes de ce cénacle peu accueillant que l’on appelle « le concert des puissances civilisées ; » ils y ont pris séance ; ils s’y sont conduits avec tact et loyauté et ils luttent aujourd’hui pour y conquérir l’une des premières places.

Vis-à-vis des Chinois, les Japonais ont eu l’attitude de frères aînés, beaucoup plus forts et beaucoup mieux élevés, qui châtient rudement une incartade par trop grossière de leur cadet, mais qui sont tout prêts à l’oublier s’il consent à se ranger a leurs conseils et reconnaît qu’il supporte la peine de les avoir écoutés trop tard. Pékin délivré, le gouvernement du Mikado a adhéré à la proposition du comte Lamsdorf ; il a approuvé