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de quartier, encore eût-il fallu que le maréchal de Waldersee trouvât, à son arrivée en Chine, des ennemis à combattre : il restait à peine quelques bandes de Boxeurs, insaisissables, disséminées sur un immense territoire. Pour découvrir un prétexte à batailles, la diplomatie de l’Empereur s’efforça tant qu’elle put de retarder la pacification.

L’empereur Kouang-Sou lui ayant adressé une lettre où il exprimait ses regrets pour la mort de M. de Ketteler, Guillaume II, au lieu de considérer cette démarche comme un premier pas vers la paix, répondit par un long télégramme où, sur un ton hautain et dur, il se posait en champion et en vengeur de la foi chrétienne, et réclamait le châtiment « des conseillers du trône, des fonctionnaires sur la tête desquels pèse la sanglante faute du crime qui remplit d’horreur toutes les nations chrétiennes ; » et il ajoutait en finissant : « Je saluerai volontiers dans ce but (de punition, d’expiation) le retour de Votre Majesté dans sa capitale de Pékin. Mon feld-maréchal comte de Waldersee recevra pour instructions de rendre à Votre Majesté les honneurs qui sont dus à sa dignité, mais aussi de l’assurer de la protection militaire qu’elle désirera recevoir et dont peut-être, d’ailleurs, elle a besoin contre les rebelles[1]. » Le ton de ce télégramme est significatif : l’empereur allemand a rêvé de placer la Chine du Nord sous une sorte de protectorat allemand, peut-être même d’établir une nouvelle dynastie sous la protection des troupes du maréchal de Waldersee qui, installé dans le palais impérial, apparaissait déjà comme une sorte de vice-roi. Ainsi les tendances du gouvernement de Berlin étaient aux antipodes de celles qui se manifestaient à Saint-Pétersbourg. Le 16 octobre 1900, l’ambassadeur d’Allemagne à Londres, signait, avec lord Salisbury, un « arrangement » pour la commune garantie de leurs intérêts en Chine et le maintien de l’intégrité de l’Empire. A la politique franco-russe, Guillaume II opposait nettement la politique germano-anglaise et il s’efforçait de retarder la pacification générale en refusant d’adhérer au projet d’évacuation de Pékin ; tantôt il insistait pour obtenir, avant toute négociation, « l’extradition » des fauteurs du mouvement Boxeur, tantôt il discutait sur la validité les pouvoirs de Li-Hung-Chang ; par tous les moyens il entravait les négociations.

  1. Livre Jaune, n° 331, 2 octobre 1900.