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mutuelle assistance qu’ils avaient le plus grand intérêt à continuer ; ils tenaient d’ailleurs à maintenir à Pékin une dynastie bouddhiste, sur qui leurs relations avec le Dalaï-lama thibétain leur permettait d’exercer une influence d’autant plus précieuse qu’elle était moins apparente. Le 12/25 août, le comte Lamsdorf rédigeait, sous forme de télégramme au prince Ouroussof, une note dans laquelle il exposait le point de vue russe et proposait des solutions[1] :


Dès le principe des complications qui se sont produites en Chine, le gouvernement impérial, ainsi qu’il l’a déclaré à plusieurs reprises, s’était proposé pour but : 1 ° de garantir l’existence du représentant et des sujets russes à Pékin et 2° de prêter son appui au gouvernement chinois dans sa lutte avec les rebelles, afin d’amener le rétablissement de l’ordre de choses légal dans le pays.

Enfin, lorsque les puissances intéressées eurent décidé d’envoyer leurs troupes en Chine, dans ces mêmes intentions, le gouvernement impérial a proposé d’accepter les principes suivans pour servir de base à l’action et de ligne de conduite dans les événemens de Chine : 1° conserver l’entente générale des puissances ; 2° rétablir le statu quo ante du régime gouvernemental en Chine ; 3° écarter tout ce qui pourrait conduire au démembrement de la Chine ; 4° amener, par des efforts communs, le rétablissement d’un gouvernement qui soit à même de garantir au pays l’ordre et la paix…

Le gouvernement impérial, ne poursuivant aucun autre objet, est resté et se dispose à rester dorénavant fidèle au programme indiqué.


Puis, après avoir expliqué comme « une mesure toute temporaire » l’occupation par les troupes russes de la Mandchourie et de Niou-Tchouang, le comte Lamsdorf continuait :


Dans ces conditions, le gouvernement impérial ne voit aucune utilité à la présence à Pékin des légations étrangères, accréditées auprès d’un gouvernement qui se trouve actuellement absent. Aussi il compte rappeler à Tien-Tsin M. de Giers, son ministre en Chine, avec le personnel de la légation. Les troupes russes les accompagneront jusqu’à Tien-Tsin. La présence des troupes russes à Pékin ne semble plus avoir actuellement de but, considérant la résolution prise par la Russie et maintes fois proclamée par elle, de ne pas sortir des limites du programme qu’elle s’est précédemment fixé…


Cette note, présentée le 28 août par le prince Ouroussof à M. Delcassé, témoignait d’une connaissance approfondie du caractère chinois et d’une prévision surprenante de toutes les

  1. Livre Jaune, 1900, n° 260.