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ensanglanta les provinces du Nord et la terrible « Commune » qui assiégea les légations dans Pékin.

L’Impératrice fut certainement informée du caractère antidynastique qu’avait eu à son origine et que gardait le mouvement révolutionnaire ; c’est là, sans doute, qu’il faut chercher l’une des explications de son attitude ; craignant que la fureur des Boxeurs ne se tournât contre elle, elle n’osa pas s’opposer aux attaques contre les étrangers ni même refuser, à certains momens, ses encouragemens aux massacreurs. D’ailleurs les mêmes incidens, les mêmes imprudences qui avaient provoqué la rage des Boxeurs et surexcité, dans toute la Chine du Nord, les sentimens hostiles aux Européens, étaient aussi de nature à jeter le trouble dans l’esprit de l’Impératrice et de ses conseillers et à leur faire croire que les ambitions occidentales ne connaîtraient ni mesure ni frein et allaient aboutir à un démembrement de la Chine. Tse-Hi se crut abandonnée de ceux-là mêmes qui avaient sauvegardé son indépendance contre les Japonais et qui auraient pu être les défenseurs de son pouvoir en face des Boxeurs. Les suites de l’affaire de Kiao-Tcheou, l’attitude provocatrice du baron de Ketteler, ministre d’Allemagne, ses exigences impérieuses, la destitution du gouverneur du Chan-Toung accordée à ses réclamations, son intention avérée de forcer l’Impératrice à s’éloigner du pouvoir, mirent le comble aux angoisses de la souveraine, et plusieurs démarches inopportunes des ministres étrangers achevèrent de lui persuader que l’heure du partage de la Chine allait sonner. Un incident, qui fit peu de bruit en Europe, eut, à la Cour de Pékin, un retentissement considérable : ce fut la demande de cession à bail de la baie de San-Moun faite par le ministre d’Italie, M. de Martino, le 28 février 1899. Lorsqu’il se rendit au Tsong-li-Yamen, accompagné du ministre d’Angleterre, et formula sa requête, cette démarche parut aux ministres une suprême insolence et l’aveu que les Européens ne gardaient plus, vis-à-vis de la Chine, aucun ménagement : la demande fut tout simplement retournée sans réponse à ses auteurs. En même temps, les échecs des Anglais au Transvaal, amplifiés par la presse du monde entier, contribuaient à persuader à l’Impératrice et à ses ministres que l’Europe s’affaiblissait et que le moment était venu de résister à ses exigences et de se débarrasser de ses importunités. Trop faible pour s’opposer aux violences des Boxeurs et aux menées du