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toute sa cour, comme il avait, à Paris, en 1797, traité la République et les mandataires du peuple souverain. À ce Fructidor berlinois, Hardenberg rêvait d’opposer un Baylen prussien. « Pourquoi, note-t-il dans son Journal, n’écraserait-on pas les Français dans la retraite ? » « Il faut frapper et anéantir, » mandait Frédéric-Guillaume à son ministre. Ils se flattaient de trouver à Vienne bons conseils et garanties. Le général Knesebeck reçut l’ordre de s’y rendre[1]. Si l’Autriche se tourne contre la France, il déclarera que telle est aussi l’intention du Roi. Le Roi souhaiterait, pour la Prusse, la restitution intégrale des territoires qu’elle possédait avant 1806 ; pour l’Europe, l’état de paix des traités de Lunéville et d’Amiens ; pour l’Allemagne, la dissolution de la Confédération du Rhin, et le partage de la suprématie, la Prusse l’exerçant sur les États du Nord, l’Autriche sur les États du Sud. Mais, ajoutaient les instructions, « jusqu’à ce que tout soit mûr pour l’exécution du plan, l’intérêt des deux puissances exige de continuer à jouer, avec autant de circonspection que d’adresse, le rôle d’allié fidèle de la France, et de la tenir en parfaite sécurité, de ne point décliner expressément de nouvelles exigences de sa part et de la nourrir de vaines espérances. » Hardenberg écrit au général Gneisenau, en mission secrète à Londres, le 30 décembre : « Napoléon exige l’élévation à 30 000 hommes du corps auxiliaire. Il exige un cordon sur le Haut-Oder. Nous en profitons pour augmenter notre armée et concentrer nos forces, comme nous l’avions fait et projeté au printemps de l’année passée. » Ainsi qu’à Vienne, ils profitent de la nécessité où se trouve Napoléon d’étendre l’alliance, pour s’en dégager et la tourner contre lui.

Ces combinaisons voulaient du calme, du temps, du secret. Les événemens débordèrent Frédéric-Guillaume et ses subtils conseillers. Les passions nationales remportèrent sur les calculs Le 31 décembre, le général York conclut, à Tauroggen, un armistice avec les Russes et s’engagea à ne point servir contre eux pendant trois mois. Dans le même temps, arrivait à Berlin le rapport d’un colonel, Boyen, que le tsar avait mandé près de lui. Je mettrai, lui avait-il dit, 400 000 hommes sur pied. « Si le Roi accède à mon alliance, je lui garantis non seulement toutes ses possessions actuelles, mais je m’engage à ne poser les armes que

  1. Instructions de Knesebeck, 31 décembre 1812.