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de premier plan et y exercer une influence bien personnelle.

On a vivement reproché à la France d’avoir ainsi associé son action à celle de la Russie, avec laquelle l’Empire allemand marchait d’accord, pour écarter les Japonais du territoire chinois : nous aurions compromis l’amitié du Japon, avec lequel nous n’avions jamais cessé d’entretenir les meilleurs rapports, nous aurions favorisé des ambitions aventureuses susceptibles d’entraîner les Russes loin de l’Europe et des intérêts vitaux qui s’y débattent. Mais, d’une part, outre que les événemens ultérieurs, nous le verrons, n’ont pas eu pour (cause le traité de Simonosaki lui-même, mais des dérogations au principe dont il était l’expression, et d’autre part qu’en fait les Japonais n’ont pas à notre égard le sentiment de rancune qu’on leur attribue, on oublie que les affaires d’Extrême-Orient ne peuvent être envisagées isolément ni résolues au point de vue strictement local ; que nous avions une alliée ; et que cette collaboration active qu’inaugurait notre action commune avec elle à Pékin, allait devenir le ressort principal de notre politique extérieure, permettre à M. Hanotaux de terminer successivement à notre avantage tous nos litiges coloniaux, de définir nos limites en Afrique et en Asie, et de faire reconnaître partout nos droits acquis. C’est en appliquant patiemment cette méthode que notre diplomatie a préparé la conquête de Madagascar ; opéré cette « révision des traités tunisiens » qui cache en réalité, sous la modestie de ce nom, une seconde conquête de la Tunisie ; puis, réglé la question du Niger, celle du Congo et abordé celle du Nil. En Chine même, notre intervention portait ses fruits : grâce à elle et à l’autorité qu’elle nous donnait à Pékin, nous assurions enfin la pacification définitive du Tonkin et la sécurité de nos frontières, et M. Gérard obtenait du Tsong-li-Yamen, par la convention du 5 juin 1896, la première concession de chemin de fer qui ait été accordée à des étrangers sur le territoire du Céleste-Empire. Enfin, le seul moyen de rendre au plus tôt l’attention et les forces de nos alliés libres de se tourner de nouveau du côté des Balkans et de l’Europe centrale, n’était-il pas de les aider à obtenir, en Extrême-Orient, les garanties dont ils pensaient avoir besoin ?

Quant au Japon, l’intervention européenne avait été cruelle à sa fierté de puissance militaire jeune et enivrée de ses victoires ; plus encore peut-être que l’obligation d’évacuer de belles provinces et une excellente position militaire, le fait d’avoir cédé