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s’y attendre… » Il faisait allusion à la déclaration de Francfort, qui, en réalité, n’énonçait rien. Puis, il présenta des objections, « sans accorder, dit Stadion, mais aussi sans se refuser à la condition principale. » « L’ancienne France se composait de ses provinces et des colonies ; l’Angleterre restituera-t-elle toutes celles qu’elle a conquises ? » On répondit : Les anciennes limites ! Caulaincourt reprit : « Puisqu’on demande à la France des cessions, elle doit au moins connaître l’usage qu’on en fera, car il ne pourrait pas être indifférent à la France d’avoir pour voisine une grande puissance ou un petit prince… Faisant partie du système de l’Europe, elle a droit de connaître comment l’Europe serait composée. En outre, si on pose le principe que la France restituera tout ce qu’elle a gagné depuis la Révolution, il ne serait pas juste de ne pas appliquer le même principe à d’autres puissances. » C’étaient, tout bonnement, deux partages de la Pologne et la Vénétie ! On répondit encore : Les anciennes limites ! À ce refrain, on reconnaissait que, cette fois, l’Angleterre était présente, et que la négociation prenait du sérieux. Alors Caulaincourt : « Enfin, si j’acceptais votre proposition, signeriez-vous immédiatement, et ferait-on cesser l’effusion du sang ? » C’était la question indiscrète que, depuis Prague, les alliés redoutaient et éludaient toujours. Ils ne purent que répéter leur antienne : Les anciennes limites ! et ils demeurèrent dans l’embarras. Stadion les en tira : La réponse, dit-il, est dans nos pleins pouvoirs. Sur quoi, Caulaincourt, qui redoutait, à son tour, d’être pris au mot, demanda le temps de réfléchir. La suite de la conférence fut renvoyée au soir. « Il parut, écrit Stadion, comme un homme anéanti du malheur de la circonstance, ne désirant que la fin de la guerre, quelle qu’elle fût, ne demandant qu’à accorder tout ce qu’on proposerait, pourvu qu’on le mît dans la nécessité de présenter un traité signé à son maître… » « Un traité quel qu’il soit, pourvu que ce soit encore Napoléon qui le signe. »

Or, c’était précisément ce que ne voulait pas Alexandre. Rasoumowsky reçut une lettre de Nesselrode : « Les événemens continuent à être si favorables… » Namur, Givet, Philippeville pris, Bülow à Bruxelles. « Ces notions satisfaisantes vous convaincront que tous les jours ajoutent de nouveaux motifs sur la nécessité de ne point précipiter la marche des négociations de Châtillon. » Les ministres alliés dînaient à quatre heures, chez Rasoumowsky. Pendant le repas, Stewart apprit l’occupation de