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de l’opinion de Paris. Il avait pour lui la crédulité et peut-être la confiance du nouveau ministre de Napoléon. Il fit approuver, le 4 décembre, par les souverains une déclaration destinée à faire connaître au peuple français les vues des alliés au moment où ils se disposaient à passer le Rhin, qu’ils feignaient de vouloir assigner comme limite à la France. C’est un ouvrage qu’il considère, à juste titre, comme un de ses chefs-d’œuvre. Dans cette pièce, la seule qui engageât les alliés, il se garda bien de reproduire, — Alexandre, d’ailleurs, ne l’eût point accepté, ni Aberdeen, — la phrase de Saint-Aignan sur les limites naturelles. La déclaration ne mentionne pas les limites naturelles, même sans les définir :


Les Puissances alliées ne font point la guerre à la France, mais à cette prépondérance que, pour le malheur de l’Europe et de la France, l’empereur Napoléon a trop longtemps exercée hors des limites de son Empire.

Les souverains désirent que la France soit grande, forte et heureuse.

Les Puissances confirment à l’Empire français une étendue de territoire que n’a jamais connue la France sous ses rois.


« Notre but moral est évident, écrit Metternich[1] ; nous travaillons pour agir sur l’intérieur de la France. » « Nous avons, écrit de son côté Aberdeen[2], jugé à propos, vu la tournure des événemens, d’abandonner la détermination des frontières : Rhin, Alpes, Pyrénées. » « Par cette manifestation solennelle de leurs intentions et de leurs vœux, déclare l’historique russe, les Cabinets alliés avaient principalement pour objet de séparer la cause de Napoléon de celle du peuple français et d’éloigner ainsi les obstacles qu’une résistance nationale aurait pu opposer aux armées de la coalition. »

Cependant Caulaincourt avait obtenu de Napoléon l’ordre d’adhérer, en principe, à une négociation de la paix « fondée sur la reconnaissance de toutes les nations dans leurs limites naturelles, » et, en particulier, « aux bases générales et sommaires qui ont été communiquées à M. de Saint-Aignan[3]. » L’accueil qui fut fait à cette lettre, quand elle arriva, le 5 décembre, découvrit toute l’illusion où étaient les politiques de Paris quand ils s’imaginaient qu’un oui tout court, adressé par Maret, le 16

  1. A Hudelist, 6 décembre 1813.
  2. A Castlereagh, 4 décembre 1813.
  3. Caulaincourt à Metternich, 2 décembre 1813.