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allait être dit. » Affirmation, comme on va le voir, exactement contraire à la réalité des choses. Metternich, alors, développa ses insinuations ; mais il ne remit aucune note et ne dicta rien. Saint-Aignan demanda la permission de résumer par écrit les paroles de Metternich et se retira, à cet effet, dans une pièce voisine. La note qu’il rédigea constatait « les liens indissolubles » des alliés, l’adhésion de l’Angleterre à la coalition, par suite l’inutilité désormais « de penser soit à un armistice, soit à une négociation qui n’eût pas pour premier principe une paix générale. » Elle portait que : « les souverains coalisés étaient unanimement d’accord sur la puissance et la prépondérance que la France doit conserver dans son intégrité et en se renfermant dans ses limites naturelles, qui sont le Rhin, les Alpes et les Pyrénées. » L’indépendance de l’Allemagne était une condition sine qua non de la paix ; de même l’indépendance de la Hollande et celle de l’Italie, — la frontière de l’Autriche, de ce côté-là, restant à déterminer ; — enfin, le rétablissement des Bourbons en Espagne. « L’Angleterre était prête à faire les plus grands sacrifices pour la paix fondée sur ces bases et à reconnaître la liberté du commerce et de la navigation, à laquelle la France a droit de prétendre. » Un congrès pourrait s’ouvrir sur-le-champ, « sans que cependant les négociations suspendissent le cours des opérations militaires. »

Metternich vint retrouver Saint-Aignan dans le cabinet où il écrivait, et lui demanda « s’il avait quelque répugnance à voir l’ambassadeur d’Angleterre, qui venait d’arriver. » Saint-Aignan n’y fit point de difficulté, tout au contraire. Il rentra dans le salon, l’on se salua, et Metternich aurait ajouté, dans la présentation : « Voici lord Aberdeen, ambassadeur d’Angleterre ; nos intentions sont communes, ainsi nous pouvons continuer à nous expliquer devant lui. » Saint-Aignan donna lecture de sa note. Aberdeen suivait assez difficilement le texte ; en saisit-il les nuances ? Arrivé à l’article « des plus grands sacrifices de l’Angleterre, » il dit « qu’elle possédait beaucoup, qu’elle rendrait à pleines mains, » mais il y fit cette réserve : « qu’elle ne consentirait jamais à rien qui pourrait porter atteinte à ses droits maritimes. » Il ajouta que, d’ailleurs, « il désirait beaucoup connaître la France et Paris, et parla de l’estime que la nation anglaise avait pour les Français. »

Les alliés ne manquèrent pas de désigner, au moins pour l’opinion, la personne qui leur paraissait la plus propre à entrer