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Je veux aujourd’hui vous apprendre à vous comporter chrétiennement et saintement dans l’une des actions de la vie les plus ordinaires, qui est le repas et la nourriture du corps. Ce sujet, me direz-vous, ne convient guère à la dignité de la chaire ; et moi, je vous réponds : « Ne convenait-il pas à saint Paul ? »… C’est une matière, il est vrai, que les prédicateurs traitent rarement, et peut-être n’en avez-vous jamais entendu parler ; mais c’est pour cela même que je ne la dois point omettre, afin que vous ne manquiez pas d’instructions sur un point où tous les jours on se laisse aller à tant de désordres. J’aurai néanmoins dans la suite de tout ce discours des écueils à éviter et précautions à prendre. [Sur la Tempérance chrétienne, Dimanches, II, 265.]


Un peu plus loin, au cours du même sermon, il emprunte aux Confessions de saint Augustin, et il commente, avec son admirable candeur, un passage où le saint s’accuse de n’avoir pas encore triomphé du penchant qui l’entraîne à la gourmandise. Un autre endroit, non moins intéressant, et important pour l’histoire des mœurs, est celui où il reproche aux femmes de son temps un vice qui, en effet, n’est pas d’ordinaire celui de leur sexe.


Quel opprobre pour nous, mes chers auditeurs, et pour nous tous,… mais en particulier pour les personnes du sexe ! Que le sexe soit vain ! qu’il soit jaloux d’un agrément périssable, qu’il mette sa gloire à paraître et à briller ou par la richesse des ornemens dont il se pare, ou par l’éclat de la beauté que la nature lui a donnée en partage, c’est une mondanité qu’on lui a reprochée dans tous les temps. Mais que sur une corruption toute nouvelle il en soit venu à des intempérances qui lui étaient autrefois inconnues ; qu’il affecte sur cela une prétendue force et qu’il s’en glorifie, c’est un abus que l’iniquité de ces derniers âges a introduit parmi nous, et plaise au ciel qu’il n’achève pas de bannir du christianisme toute vertu. [Ibid., p. 282.]


Bossu et a traité, ou du moins effleuré le même sujet dans son sermon sur nos Dispositions à l’égard des nécessités de la vie, mais la différence de sa manière et de celle de Bourdaloue se déclare dans le titre même du sermon. Non pas du tout que, comme on a l’air de le dire souvent, Bossuet « dogmatise » à toute occasion, et néglige l’instruction pratique de son auditoire. Voici en effet la division de son discours : « Il y a trois vices à craindre : à l’égard du nécessaire, l’empressement et l’inquiétude ; à l’égard du superflu, la dissipation et le luxe ; à l’égard de la grandeur éminente, l’ambition désordonnée. » Ce n’est bien là que de la morale. Mais il ne descend pas au même détail que Bourdaloue. La figure des vices qu’il attaque est en quelque