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est celui qui réduit les vingt-huit jours à quinze, et les treize à huit, et qui supprime les périodes de rappel dans l’armée territoriale. M. le ministre de la Guerre, bien inspiré cette fois, a montré avec simplicité, mais avec force, les dangers de ces diminutions et de ces suppressions. Rien n’y a fait. La Commission a pris parti contre le ministre, M. Berteaux contre le général André, et une énorme majorité a donné raison à la Commission et à son rapporteur. Bien plus, la loi une fois votée, M. Breton a proposé d’en distraire les articles qui se rapportent aux vingt-huit jours et aux treize jours, réduits à quinze et à huit, pour, en faire une loi spéciale qui irait plus vite qu’une loi de recrutement composée de plus de cent articles. Il fallait donner tout de suite cette première satisfaction au pays : ne sommes-nous pas à la veille des élections aux Conseils généraux ? Le croirait-on ? La proposition a été votée, et toujours à une écrasante majorité. M. le général André a essayé de lutter : on lui a fait voir le peu que pèse son opinion lorsqu’elle n’est pas conforme aux passions de la Chambre ou aux intérêts électoraux. Malgré tout, l’infortuné ministre ne peut pas oublier, par momens, qu’il est un soldat, et il a le sentiment de ce qui est indispensable à la solidité de l’armée. Mais la Chambre a d’autres préoccupations que les siennes.

Quoi de plus douloureux et de plus inquiétant que cette situation ? L’organisation de l’armée n’est plus qu’une matière abandonnée aux surenchères électorales. Le gouvernement, ou du moins M. le ministre de la Guerre, a des velléités de résistance, mais il n’a aucune autorité sur la Chambre, et comment en aurait-il ? N’a-t-il pas été choisi et nommé autrefois pour satisfaire tous ses caprices, et ne les a-t-il pas effectivement satisfaits pendant longtemps ? La question qui se pose aujourd’hui est la plus redoutable de toutes : aurons-nous une armée ? Il est impossible de ne pas éprouver une anxiété profonde à voir la manière dont elle est traitée et dont elle menace d’être résolue.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, F. BRUNETIERE.