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façon dont on les recrute, et de celle dont on les emploie. Il ne serait à mon sens aucunement impossible, même aujourd’hui et sans rien ajouter aux avantages matériels déjà concédés, d’arriver à avoir un nombre suffisant de sous-officiers rengagés, à la condition expresse :

De les mieux choisir ;

De les mieux traiter ;

De mieux assurer leur avenir, non pas hors de l’armée, mais dans l’armée même.

Comment donc choisir les sous-officiers ? Il faut s’arrêter ici un instant sur le mode de procéder actuellement en usage. En raison du temps de service si court, du peu de temps disponible pour le dressage du jeune sous-officier, il faut agir rapidement.

Le temps presse. Aussitôt les jeunes recrues arrivées, on prescrit à chaque commandant de compagnie de procéder à la désignation des sujets qui lui paraissent aptes à devenir plus tard sous-officiers. Celui-ci, quels que soient son coup d’œil et son ardent désir de désigner les plus capables et les plus dignes, n’a aucun moyen de fonder son appréciation sur les qualités morales et professionnelles de jeunes gens dont il connaît à peine les noms ; il suit la voie que lui tracent les règlemens, il fait passer à ses jeunes soldats l’inévitable examen. Ils rédigent une copie, subissent une dictée, exécutent les quatre règles. Les huit ou dix individus qu’une instruction préalable met à même de se tirer honorablement de cette épreuve sont immédiatement désignés comme futurs sous-officiers. Au bout d’un mois ou deux de premier dégrossissement, les voilà définitivement installés élèves-caporaux. Alors commence pour eux un régime tout particulier. On les réunit en un peloton spécial ; des cadres choisis sont désignés pour leur instruction ; séparés de leurs camarades, pour tous les exercices au moins, ils subissent une préparation intensive à leur mission future. On les bourre de théories récitatives, on les inonde de cours élémentaires, on les fatigue d’exercices particuliers. Malheur alors à celui qui n’a pas reçu du ciel une mémoire fidèle et facile ; il aura bien de la peine à n’être pas, au bout de peu de mois, rayé du peloton d’instruction et ignominieusement renvoyé à sa compagnie. Après quelque temps de ce surmenage mental et physique survient une commission. Celle-ci interroge, fait réciter, fait comparaître au tableau ces malheureux, dont elle ne connaît rien, à peine le nom,