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destinés à vivre encore ensemble après comme avant leur service.

J’ajoute que le recrutement régional est le meilleur palliatif à l’un des plus graves défauts du service obligatoire, celui d’enlever l’homme aux campagnes, de l’habituer à la ville, de dépeupler les unes pour accumuler dans les autres des individus déshabitués du travail manuel ; or, en ne brisant pas les liens de famille, en éloignant l’homme le moins possible de son village, de son foyer, de la terre en un mot, le recrutement régional risque moins de le séparer des uns et des autres ; il permet d’espérer qu’il retournera le plus souvent d’où il vient, pour reprendre la vie à laquelle il était destiné.

Mais l’avantage primordial du recrutement régional, celui devant lequel s’effacent tous ; les inconvéniens qu’on peut en signaler en temps de paix, c’est de ramener au moment de la mobilisation l’homme au régiment ou il a été instruit. Là, il retrouve des chefs qu’il connaît et qui le connaissent, des camarades, des objets même qui lui sont familiers, un drapeau sur les plis duquel il peut relire des noms glorieux, dont on lui a maintes fois raconté et commenté l’histoire.

On a beaucoup médit des réservistes. Leurs côtés faibles sont nombreux. Ils ont perdu l’habitude de la vie militaire, ils ont contracté des liens et des besoins qui les en éloignent, cependant il est peu d’officiers de troupe qui ne conviennent qu’après un court stage — à l’issue des grandes manœuvres, par exemple — les réservistes ne se distinguent guère des hommes de l’armée active que parce qu’ils sont plus vigoureux, et plus sérieux. Cela se comprend de reste. Les contingens de réservistes se sont épurés moralement et physiquement. Mais combien la valeur de ces réservistes ne serait-elle pas augmentée, s’ils rentraient en cas de mobilisation dans le régiment, dans la compagnie, dans la section même où ils ont reçu leur instruction première ! Là ils se sentiront autre chose qu’un simple numéro dans le rang, et les chefs seront pour eux aussi autre chose que des inconnus ornés de galons sur la manche et munis du droit de punir ! Là aussi ils se sentiront entourés, — et au besoin surveillés, — par des camarades, qui rentreront plus tard chez eux avec eux et diront à tous comment ils se sont conduits.

Puisque l’adoption du service de deux ans est un pas considérable pour Je remplacement de l’armée de métier par la milice nationale, donnons-lui au moins son véritable point d’appui, ce