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véritable et de celui de la France. Je suis tout aussi Européen dans les questions présentes que vous pouvez l’être. Ramenez-nous en France par la paix ou par la guerre, et vous serez béni par 30 millions de Français et par tous les serviteurs et amis éclairés de l’Empereur. »

Ces propos trop significatifs, tenus à un homme qui, depuis 1808, suivait de si près les manœuvres de Talleyrand et de son parti, donnèrent à Metternich de singuliers encouragemens pour l’opération difficile qui lui restait à accomplir, dépouiller l’équivoque dont il s’était si longtemps enveloppé et déclarer, formellement, quel serait, après le 10 août, le rôle de l’Autriche. Il le fit, le 30 juillet, dans une conversation avec Narbonne et Caulaincourt, où l’honneur intervient avec indiscrétion[1] : « Ce ne sera probablement que dans la journée du 10 que nous saurons la pensée de l’Empereur, et cette journée peut être la paix comme la guerre. Mais soyez bien persuadés que, passé cette journée du 10, rien ne peut faire prolonger l’armistice. Je vous donne ici ma parole que nous arriverons à cette époque sans que l’Autriche ait l’ombre d’un engagement avec aucune autre puissance, et que ce n’est qu’en cet instant qu’il sera décidé avec qui nous nous battrons. Nous désirons entièrement que ce ne soit pas contre vous, mais nous avons bien de la peine à l’espérer. Ce qui est impossible, c’est que nous restions neutres… »

Le même jour, il écrit à Stadion au quartier général des alliés : « M. de Caulaincourt, qui est animé du meilleur esprit… m’a confirmé que, depuis mon voyage à Dresde, Napoléon est dans l’illusion la plus complète sur la véritable position des choses. Il paraît aussi complètement convaincu à l’heure qu’il est que l’Autriche ne prendra jamais fait et cause contre lui ; qu’il nourrissait la conviction à Moscou que l’empereur Alexandre se prêterait à la paix… »

Le 6 août, Caulaincourt reçut une dépêche de Maret, l’invitant à poser cette question à Metternich : « De quelle manière l’Autriche entend que la paix peut se faire et si, l’empereur Napoléon adhérant à ses propositions, l’Autriche ferait cause commune avec nous ou si elle resterait neutre ? » — « dans trois jours notre réponse serait donnée… Sa Majesté désire que M. de Metternich soit très sûr de l’approbation de l’empereur d’Autriche. »

  1. Rapport de Caulaincourt et de Narbonne, 30 juillet. — Caulaincourt à Napoléon, 30 juillet 1813.