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négociations, d’avoir fait luire l’espoir de la paix devant ses armées, ébranlé ses maréchaux, qui étaient las, gagné ses ministres, qui ne respiraient que traités, enfin de l’avoir compromis devant le parti de la paix, qui gagnait tous les jours, qui le rendait seul responsable de la continuation de la guerre et ne lui pardonnerait jamais de refuser d’aussi belles conditions. On le séparerait de la France, ce qui équivaudrait à le tourner militairement et à le prendre à revers. L’art consisterait à présenter aux Français les quatre points comme les seules conditions du traité, à ne point leur parler de préliminaires ; à persuader cependant l’armée et le public qu’il s’agissait de la paix totale, de la paix définitive ; un mot : Oui, et la paix était conclue. Metternich excellait à ces fantasmagories.

Mais, en même temps, il s’engageait de plus en plus avec les alliés. Le 18 juin, les bases, avec leurs réserves et gradations, furent définitivement arrêtées. Metternich proposa au tsar d’envoyer un de ses officiers de confiance à l’état-major de Schwarzenberg, celui du ci-devant corps auxiliaire, « qui ne ferait plus qu’un avec celui, — l’état-major, — de l’empereur François. » Sur quoi, il partit de Gitschin. Mais à peine avait-il tourné la tête, que Nesselrode lui adressait une note, datée du 19 juin. Le tsar déclare à l’empereur François « qu’il lui est impossible de conclure la paix avec la France sur les conditions qui forment le sine qua non de l’Autriche… Toute paix ne serait qu’une trêve… si, pour résultat final de tant d’efforts et de sacrifices, des barrières puissantes ne se trouvaient pas élevées contre la France. » Ce qu’il entendait par là, c’étaient les barrières du traité d’avril 1805 avec l’Angleterre, celles que posait Nesselrode en décembre 1842, c’est-à-dire le retour de la France à ses anciennes limites, au moins à la ligne de l’Escaut.

Metternich reçut cette note à son retour à Gitschin, le 21. Il y trouva aussi une lettre de Maret l’invitant à se rendre près de Napoléon à Dresde. Il ne voulut affronter cette rencontre qu’après avoir tout tiré au clair avec les alliés. Nesselrode lui en facilita le moyen. Il arriva, le 23, avec un projet de convention entre la Russie, la Prusse et l’Autriche, préparé dans une conférence tenue à Oppontschna, le 21. Metternich pensait, comme il l’a répété mainte fois, que la paix ne pourrait être assurée « que par le retour de la France, de l’Autriche et de la Prusse à leurs anciennes limites. » Mais le déclarer d’avance eût