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toutefois épuiser les moyens de paix… » Ce qui ramenait aux délais et aux « formes » de Metternich. Mais, en principe, la question était résolue.

L’armistice fut signé le 4 juin, à Pleiswitz, il devait durer jusqu’au 20 juillet, époque fixée alors par l’Autriche pour l’achèvement de ses préparatifs. On peut juger de la satisfaction qu’en éprouvèrent les alliés, par cette note écrite sous les yeux d’Alexandre : « Parmi les avantages qui en résultent, il faut certainement placer en première ligne qu’il nous fait gagner le temps de fixer d’une manière irrévocable nos rapports avec l’Autriche… Nous avons la certitude de continuer la guerre avec la coopération de l’Autriche, à moins que le parfait accord qui règne entre elle et nous en impose à Napoléon, au point de le faire souscrire à une paix honorable pour la Russie, avantageuse pour ses alliés, et salutaire pour l’Europe… Une accession à l’alliance qui subsiste entre la Russie et la Prusse se négocie déjà avec le comte de Stadion pour le cas de guerre, et le général Phull part aujourd’hui pour Prague afin de convenir, avec le prince Schwarzenberg, d’un plan d’opérations. »

Le courrier de Schouvalof apportait au tsar, en même temps que les détails de la négociation, des renseignemens inappréciables pour les alliés, sur l’état des esprits autour de Napoléon[1]. Alexandre tenait Caulaincourt en estime particulière, tant pour les agrémens de son commerce que pour les preuves de confiance qu’il avait reçues de lui[2]. « Dans des conversations secrètes, rapporte Nesselrode, il avait rendu l’empereur Alexandre attentif aux dangers dont l’ambition de son maître menaçait la Russie. Au printemps de 1810, l’empereur Napoléon, mécontent de sa correspondance, l’avait rappelé… L’empereur Alexandre, ne voulant pas perdre une source d’informations si précieuse, l’engagea à se servir, à son retour, de mon entremise pour les lui faire parvenir. » Nesselrode, alors conseiller d’ambassade à Paris, entretenait une correspondance secrète avec le tsar, par l’intermédiaire de Speranski. « C’étaient mes entretiens avec M. de Talleyrand et quelques autres personnes, opposées à la croissante ambition de Napoléon, qui en firent les frais. À cette opposition s’était rallié M. de Caulaincourt »… « Tous ces hommes ne croyaient pas trahir leur maître, mais le

  1. Rapports de Schouvalof, 31 mai et 1er juin 1813, en français.
  2. Lettres et papiers du comte de Nesselrode, t. II : Autobiographie, Paris, 1904.