Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa vue, et les « admirables conseils sincèrement donnés » par Metternich portent ici leur effet.

Napoléon propose un armistice, et accepte, durant cet armistice, un congrès par l’entremise de l’Autriche. Il ne s’aperçoit pas que, pour se ménager des renforts, il facilite aux alliés leur concentration, il assure à l’Autriche le temps qu’il lui faut pour achever ses préparatifs et filer, en toute sécurité, sa défection. La négociation commença, le 30 mai, entre Caulaincourt, pour la France, Schouvalof et Kleist pour les alliés. « S’il eût continué la guerre, écrit un émigré français au service russe, Langeron, il nous eût forcés… ou à risquer sur-le-champ une troisième bataille, — et la supériorité des forces numériques des ennemis pouvait leur procurer un nouveau succès, et d’ailleurs nous n’avions plus de munitions, — ou à nous retirer derrière l’Oder. » « L’armistice fut heureusement conclu, rapporte un partisan russe, et tout changea de face[1]. »

Les alliés en avaient grand besoin ; ils eurent l’art de le dissimuler. Au lendemain de Bautzen, ils avaient adressé à l’Autriche un appel désespéré. Metternich jugea aussi nécessaire de les tenir en confiance que de tenir Napoléon en suspens. Il décida l’empereur François à se rapprocher du quartier général russe. Ils partirent, le 1er juin, pour le château du comte de Trautmansdorf, à Gitschin. En route, ils rencontrèrent Nesselrode, chargé de poser à Metternich ces questions : « L’Autriche tirera-t-elle l’épée ? Quelle est l’époque où l’Autriche commencera les hostilités ? » « D’après la courte conversation que j’ai eue avec le comte de Nesselrode, écrit Metternich à Stadion, le 3 juin, il me paraît hors de doute qu’il nous quittera satisfait et convaincu que dans aucun cas nous n’abandonnerons la cause. Nos militaires sont contens de la direction militaire que prennent les alliés… Ce qui nous semblerait mieux que toute autre chose, ce serait la conclusion de l’armistice. » A Reichenbach, où se trouvait Stadion, on délibérait le plan de campagne commune[2]. L’Autriche, déclaraient les généraux autrichiens, Radetzky et Schwarzenberg, ne peut entrer en campagne avant le 20 juillet. Nesselrode écrit à Alexandre, le 5 juin, de Gitschin : L’empereur François répugne toujours à la guerre ; mais « la raison lui fait sentir qu’elle pourra seule le faire parvenir à son but… Il veut

  1. Mémoires de Lœwenstern.
  2. Stadion à Metternich, 9 juin 1813.