Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus étendues adresser à la France, et sur « la marche à suivre en commun Si nos ouvertures, comme tout portait à le croire, étaient rejetées par Napoléon[1]. »


II

« Vous commencez par me demander l’Illyrie, dit Napoléon à Bubna, le 16 mai, puis vous me demanderez le pays de Venise, puis le Milanais, la Toscane, et vous me forcerez à me battre contre vous ; il vaut mieux commencer par là… » Le lendemain, 17 mai, Caulaincourt, qui tenait l’office de secrétaire d’État aux Affaires étrangères en attendant l’arrivée de Maret, écrit à Narbonne : « Sa Majesté me prescrit de vous mander que, comme de raison, elle ne peut reconnaître aucune médiation armée. Il faut que l’Autriche s’explique sur ce qu’elle veut, car, depuis le Brabant jusqu’à la Toscane, depuis la Lorraine jusqu’à Venise, on peut lui supposer des vues d’intérêt. Sans doute, on pouvait mieux s’entendre. » Napoléon songe alors à se retourner vers Alexandre. Il dépêche Caulaincourt aux avant-postes russes. On l’y éconduit sèchement, on l’invite à envoyer ses propositions à l’Autriche. Le jour même, 20 mai, Napoléon bat les Prussiens et les Russes à Bautzen. Mais c’est encore une victoire incomplète. Napoléon manque de cavalerie. Ses conscrits sont fatigués. Il veut se procurer des renforts. Autour de lui, les généraux murmurent. Mon ami, disait Duroc à Marmont, vers la fin de la bataille, l’Empereur est insatiable de combats, nous y passerons tous. » Et il tomba mort. Maret, qui arrive de Paris, le 22, répète ce qu’il a écrit déjà : « La confiance est ébranlée, »… « la modération qui aurait pu paraître sans dignité dans les revers, ne portera désormais aucune atteinte à votre gloire… » « cette paix, le seul vœu, le besoin pressant de la France… sera toujours une paix glorieuse[2]. » Enfin Napoléon ne peut se persuader que François, le père de l’Impératrice, le grand-père du Roi de Rome, puisse jamais passer aux alliés : des procédures, des enchères, des marchandages de Metternich, mais la guerre, non ! tout au plus la neutralité. Sur cet article décisif, la clairvoyance lui manque ; l’orgueil et l’amour paternel offusquent

  1. Aperçu des transactions politiques du cabinet de Russie. — Négociations qui décidèrent l’Autriche à s’unir à l’alliance. Société d’Histoire de Russie, t. XXXI.
  2. Maret à Napoléon, 8 mai 1813.