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dernière partie de sa déposition par cette présence importune. Il ne s’agissait nullement d’une confrontation entre deux témoins, et, en somme, bien qu’il n’en eût pas le caractère juridique, M. Edgar Combes était beaucoup plus un plaignant qu’un témoin dans l’affaire. Nous ne pensons pas qu’il soit d’usage que la porte d’un juge d’instruction, au moment même où il recueille une déposition, puisse être ouverte en quelque sorte familièrement par un tiers intéressé. M. Edgar Combes a donc surveillé la seconde moitié de la déposition de M. Lagrave. En outre, il a eu connaissance de la première, et il y a demandé une modification à laquelle M. Lagrave a paru depuis n’avoir pas consenti sans regret. Il avait dit que, dans la pensée de M. Chabert, l’interlocuteur qu’il ne nommait pas, les deux millions devaient être versés dans une « caisse publique. » M. Edgar Combes a demandé qu’on écrivit : « entre les mains du gouvernement, » ce qui n’est pas la même chose. Ici encore, M. Lagrave s’efforçait d’écarter et M. Combes de ramener l’idée d’une tentative de corruption personnelle et directe, à laquelle le premier aurait voulu n’avoir pas participé, mais que le second tenait à avoir repoussée. Cet incident met en vue deux faits qui ne sont à l’honneur ni de l’un ni de l’autre, à savoir que M. Edgar Combes a quelque peu pesé sur la déposition de M. Lagrave, et que M. Lagrave a quelque peu cédé à cette pression. Il a été, a-t-il dit, jusqu’au point extrême où il n’aurait pas pu aller plus loin sans sortir de la vérité. Admettons-le. Il n’a été que faible ; mais, si nous disons que M. Edgar Combes a été indiscret, on ne nous accusera pas d’exagérer les termes.

Toute cette affaire ayant été mise en mouvement par un propos de M. Chabert, personnage intermittent qu’on a déjà entrevu sur la scène à propos du Panama et qu’on y revoit aujourd’hui, mais qui n’y fait que de courtes apparitions pour rentrer aussitôt dans l’ombre, il faut l’y retenir un moment de plus. Son rôle est d’autant plus instructif qu’il nous en révèle un autre, celui d’un comité dont il a été beaucoup question sous le nom de comité Mascuraud.

M. Mascuraud et son comité, qui étaient déjà arrivés à une certaine notoriété, sont tout d’un coup devenus célèbres : ils appartiennent désormais à l’histoire. Que sont-ils donc ? M. Mascuraud est un commerçant honorable sans doute, mais peu notable comme tel, qui a voulu le devenir par la politique. Après s’être beaucoup occupé d’élections dans son quartier, il a fondé le Comité républicain du commerce et de l’industrie. Cet accouplement d’épithètes fait rêver : qu’a donc la République à voir avec le commerce et l’industrie, et