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vivans, considérés comme formant un tout ayant à remplir une fonction géologique déterminée.

Pour bien sentir le rôle planétaire de la force biologique, le mieux est de constater tout d’abord combien sont intimes et variés, dans la géologie actuelle, les rapports des êtres vivans avec les roches : d’une part, ils travaillent très activement à détruire les masses minérales pour contribuer à la circulation de leurs élémens et, d’autre part, ils arrivent, par une série de procédés variés, à prendre un rang très notable parmi les agens de sédimentation.

Dans ces deux directions opposées, il suffira de rappeler mitres petit nombre de faits pour arriver aux conclusions que nous nous proposons d’établir.

Pour ce qui est de la démolition d’assises constituées, il est à noter d’abord que les végétaux inférieurs sont parmi les facteurs les plus actifs de la production du sol arable aux dépens des roches de toutes les catégories.

De leur côté, les animaux sont très habiles à désagréger certaines masses minérales : beaucoup d’entre eux sont même désignés sous le nom, du reste impropre, de lithophages. Du nombre sont, parmi les bêtes marines, les pholades et les oursins livides, qui savent se creuser des logettes dans les roches les plus compactes, les plus dures et les moins solubles ; — et parmi les bêtes terrestres, nos vulgaires escargots qui, en Algérie, comme dans le Midi de la France, se livrent à une vraie ciselure des roches calcaires, qu’ils réduisent parfois à l’état de dentelles, tant les perforations qu’ils y pratiquent sont rapprochées les unes des autres. Pour mémoire, il convient de rappeler les vers de terre, dont Darwin a signalé l’énergique collaboration à la désagrégation du sol cultivable.

Comme édificateurs de couches géologiques, les plantes et les animaux jouent un rôle dont Michelet a indiqué toute l’importance en donnant à certains êtres organisés le nom de constructeurs de continens. Dans les circonstances les plus simples, ils accumulent leurs dépouilles dans une localité qui s’enrichit par une vraie sédimentation biologique. Les récifs madréporiques, d’une part, les houillères du type tourbeux, de l’autre, suffiraient pour fixer les souvenirs à cet égard. Ici, comme il arrive bien souvent, la grande part appartient aux êtres les plus petits, et on peut, sur un même plan, citer des formations qui