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ferrugineux au point que le test des coquilles qui gisent sur son fond s’est trouvé formé de limonite ; l’océan permien, étendu sur des régions qui sont devenues la Thuringe, renfermait des dissolutions de substances toxiques, depuis l’arsenic et l’antimoine jusqu’au plomb, au cuivre et au mercure, en telle quantité que ses poissons nombreux et variés ont été subitement empoisonnés, etc.

On le voit, les anciennes hypothèses sont encore bien loin d’avoir fait place partout à la doctrine actualiste et l’on expliquerait bien des théories singulières par le mélange, à l’insu de leurs auteurs, de conceptions difficiles ou même impossibles à concilier.


II

Mais, quoique la doctrine actualiste constitue un progrès marqué sur les suppositions antérieures, en faisant disparaître de l’histoire de la Terre une différence radicale entre le passé et le présent, elle est cependant loin d’exprimer complètement la réalité des phénomènes, et cette réalité, pour qui la contemple avec un esprit suffisamment dégagé des préjugés d’école, présente un magnifique spectacle.

Non seulement les différentes époques géologiques se reproduisent dans les grandes lignes et parfois même jusque dans des détails très intimes, mais la profondeur des assises du sol est le théâtre d’une activité incessante et qui produit, au cours des temps, des modifications intenses dans les formations anciennes.

A première vue, les masses rocheuses nous donnent l’impression de l’immobilité et de la mort, et leur contraste nous semble complet avec les corps organisés : si ces derniers font naître en notre esprit l’idée du changement sans trêve et de la transformation toujours recommencée, nous associons instinctivement les autres à la notion de la stabilité définitive. Quel est le poète dont la muse n’a pas, à son heure, évoqué l’inaltérabilité du roc, la pérennité de la montagne, pour l’opposer à l’éphémère durée de chacun de nous et de l’humanité tout entière ? Et cependant, rien de plus fragile que les roches, qui se modifient aussi- profondément et aussi activement que les animaux ou les plantes, en tenant compte bien entendu d’une