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et que vous n’en craindrez pas les émotions, lisez Léonore de Biran, de Mme de Cubières, femme de notre ministre de la Guerre ; Jay vous aura cela, c’est à lire, et Marie d"Enambuc de Mme Reybaud, aussi (Revue des Deux Mondes).

« Vous devriez bien me raconter quelques-unes de ces conversations d’Aloys et de Doudou, qui rappellent le monde enfant et les bégaiemens de l’Eden. Je suis sûr que, malgré tous vos maux de nerfs, cela ne vous fatiguerait pas.

« Donnez-moi aussi quelques détails, cher Olivier, sur vos travaux, sur l’Académie, sur votre histoire surtout[1]. Je ne vous parle pas de tant de personnes dont je me souviens pourtant si bien. Comment va le genou de M. Frossard ?

« Adieu, chers amis, baisers aux enfans ; bonjour à Eysins et à Aigle et plus près à M. Ruchet qui paraît devoir être chez vous. »


20 juin 1840.

« Chère Madame,

« La chaire est votée et à une belle majorité : c’est très heureux. Cousin n’était guère sûr de la chose quelques jours auparavant ; il suffisait d’une boutade de la Chambre pour ajourner à l’année prochaine, c’est-à-dire après l’an 40. Hier Cousin m’a dit, en me faisant participer à son triomphe : Eh bien ! notre chaire est votée, — il n’y a donc plus qu’à quitter Mickiewicz. Cependant la chose n’a point eu ici le caractère politique et l’hommage à la Pologne que j’aurais voulu. N’importe : il faut que les destins aient leur cours et que la Pologne, en attendant le réveil (s’il doit y en avoir), campe à Paris.

« Que vous êtes bonne et attentive (Olivier et vous) dans tous les renseignemens ! La nouvelle se trouve encore ajournée ; j’aimerais n’écrire ces choses-là que sur les lieux mêmes, près de vous, mais les destins parlent parfois à mon oreille, et j’obéis à Buloz-Rhadamanthe.

« Oui, je vis dans une mondanité déterminée ; avec deux santés, une chétive et gisante jusqu’à quatre heures de l’après-midi ; l’autre vive et curieuse de quatre heures à minuit. Je vais où on m’invite, n’importe où, je fais des projets, je suis en colère continuellement à propos de tout ce qui me révolte ; la colère est de l’amour rentré bien souvent, et, comme voilà le soleil et la

  1. L’Histoire du canton de Vaud, le meilleur ouvrage de Juste Olivier.