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cette convenance. Ce que je lui dirai en ministre, tâchez qu’on le lui dise en ami. J’ai envie d’une chose : dans quelques jours, tout simplement, de lui écrire, de ma belle main, le fait, le projet, notre désir… » Je l’y ai fort engagé, ajoutant que c’était la seule manière d’avoir de Mickiewicz, engagé là-bas, une réponse sur laquelle on pût compter ; que Mickiewicz ne pouvait même, dans sa situation, avoir un avis sur ce projet que d’après une information positive et officielle. Il va le faire dans quelques jours. En attendant, on prépare le rapport sur la fondation de la chaire, on amasse les documens sur le slave, et Barthélémy Saint-Hilaire est chargé de digérer tout cela en corps : il doit me le montrer dès que ce sera prêt. Voilà, mes chers amis, la situation. Votre devoir, ce me semble, est d’informer Mickiewicz et de le laisser dans la plénitude de sa réflexion Apres tout, cette dispute qu’on fait de lui au canton de Vaud ne peut être que glorieuse à ce digne canton qui a pris les devans. Vous verrez dans ma préface de Port-Royal, que vous recevrez dès qu’on aura la réponse de M. Ducloux, combien je suis Vaudois et de l’Académie de Lausanne toujours.

« A propos de cela, chers amis et chère Madame, me voilà en quête d’un gîte pour six ou huit mois encore : où vivre caché avec des livres, sans trop de dépense ? J’essaie toutes les combinaisons depuis Passy à la porte de Paris, jusqu’à Pouvray, de Mme de Tascher, jusqu’à quelque chambre qui donne sur ce beau lac si chéri. La difficulté est : 1° dans les livres dont j’ai besoin à tout moment ; 2° dans l’argent que j’ai à peine et que je ne puis gagner par des articles, faisant le Port-Royal.

« Pour les livres, j’emporterai avec moi une malle, et Lausanne (en y joignant M. Cassat et le libraire mystique, etc.) me fournirait les autres mieux que ville de France. Je pourrais même à la rigueur en tirer de la Bibliothèque du Roi, de Paris.

« Quant à l’argent, si on trouvait une petite chambre ou deux petites chambres en maison sûre, sans bruit, sans punaises, sans voisin, sans fumée, où l’on pût vivre dans un rigoureux incognito, ne venant que chez vous à de certaines heures, peut-être ! car il faut quitter absolument Paris dans trois semaines, et je ne sais où aller.

« J’ai vieilli, je souffre un peu de corps, de poitrine, surtout de cerveau : j’ai besoin de repos, de travail suivi, de solitude rigoureuse.