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de littérature et de langue slave, dédommagement intellectuel de la nationalité polonaise trop désertée par la France.

« Il prévoit des obstacles en haut lieu, de la part d’un personnage, dit-il, qu’il connaissait bien jusqu’ici, mais qu’il apprend chaque jour à mieux connaître. Ce personnage, qui a bondi au vote de Villemain pour la Pologne, bondira bien plus à la pensée d’une fondation qui sera un vote permanent.

« M. Cousin espère en triompher : il ne demandera à Mickiewicz que de choisir pour la première année une langue et une branche slave autre que la polonaise.

« Il sera obligé de lui demander la nationalisation française, qui est de rigueur.

« Il lui écrira lui-même, aussitôt la loi passée pour la fonda-lion, ou peut-être avant.

« Voilà les termes nouveaux : si la chose se faisait aussi solennellement, devant les Chambres, au bruit de l’artillerie de la presse contre l’empereur Nicolas, avec une pensée d’hommage national à la Pologne, il se pourrait que l’adhésion de Mickiewicz fût commandée ! Au reste, je ne suis que rapporteur. Il faut attendre et il n’y a rien de mieux à faire que de remplir sa chaire là-bas comme s’il ne s’agissait d’autre chose, à la garde le reste, comme on dit chez vous.

« Le ministère triomphe ; son succès, un moment des plus douteux, est complet : ce dîner chez Cousin était curieux. J’étais à deux places de Hugo, Nisard de l’autre côté, Scribe, Delavigne à l’autre bout, Hugo courtisant Pongerville, qui lui donne sa voix ; la grande conciliation universelle est en train de se faire ! Quelle comédie ! Dans les salons de M. de Rémusat tout passe, opposition, littérature, conservateurs : c’est une fureur de transaction, comme avant c’en était une de combat. Je n’ai jamais rien vu de si amusant ni de si bigarré. C’est Thiers, le grand escamoteur, qui a joué ce tour de passe-passe.

« Etant allé voir Mme Sand l’autre jour à deux heures, par le premier beau matin de printemps, comme elle sortait en voiture avec sa fille et Chopin, je l’ai accompagnée à la promenade et nous avons été au Bois de Boulogne entendre le bruit des pins dans une petite sapinière près de la mare d’Auteuil : nous y avons causé Suisse et canton de Vaud. Elle m’a questionné sur Mlle Doy, sa correspondante ; j’ai été discret ; nous avons parlé de vous, et je ne l’ai plus été du tout, chère Madame. Vous