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L’épreuve, cette fois, est au-dessus des forces humaines. Un sanglot retentit, si déchirant qu’un des vicaires demande :


— Est-ce la charpente de l’église qui craque de la sorte ?


Non : c’est le cœur de Jeanne Le Judec qui vient d’éclater. Et voilà pour le troisième acte.

Le quatrième et dernier nous ramène au manoir des Le Judec, dans « la chambre de la tourelle, » où l’on vient de transporter Jeanne, mourante. Féroce jusqu’au bout envers la jeune fille dont l’amour a failli ruiner son ambition, la mère de Philippe Ollivier, devant la consternation que la nouvelle a produite chez son fils, a le triste courage de l’en plaisanter, le presse ironiquement d’aller remplir son ministère de prêtre au chevet de son ancienne « maîtresse » :


Hâtez-vous de vous rendre auprès d’elle,
Parlez-lui de Dieu, consolez-la !


C’est tout de même plus que la docilité filiale du malheureux n’en peut supporter. Toutes les révoltes accumulées en lui par un long asservissement se font jour d’un seul coup :


— Taisez-vous, ma mère ! Ne me plaisantez pas !
Vous n’aurez pas longtemps un fils prêtre.
Vous m’avez vu, aujourd’hui, à l’autel ;
Demain, vous me verrez dans la tombe.


S’il est trop tard pour réparer son crime, du moins il n’y survivra pas. L’instant d’après, il gravit les degrés de la chambre où celle qu’il a délaissée agonise :

— Bonjour à vous, ma plus aimée !
Est-il possible que vous quittiez ce monde !

A quoi elle répond, avec un mélancolique hochement de tête :


— Si j’avais été votre plus aimée,
Vous ne m’eussiez pas traitée comme vous l’avez fait.

— Ah ! s’écrie-t-il, s’acharnant à douter encore, comme tous les faibles :

Si je savais être la cause de la mort de Jeanne,
Je voudrais n’avoir jamais célébré la messe !