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ciseaux aux anneaux d’argent, et rend à Kulhwch l’office demandé. Puis :


Je sens que mon cœur s’épanouit vis-à-vis de toi ; je sens que tu es de mon sang : dis-moi qui tu es.

KULHWCH. — Je suis Kulhwch, le fils de Kilydd, fils du prince Kelyddon, par Goleuddydd, ma mère, fille du prince Anllawdd.

ARTHUR. — C’est donc vrai, tu es mon cousin. Indique tout ce que tu voudras, et tu l’auras ; tout ce qu’indiqueront ta tête et ta langue, sur la vérité de Dieu et les droits de ton royaume, je te le donnerai volontiers.

KULHWCH. — Je demande que tu me fasses avoir Olwen, la fille d’Yspaddaden Penkawr, et je la réclamerai aussi à tes guerriers.


Ces guerriers, le barde gallois ne perd pas l’occasion de nous les nommer tous à la file, en un vaste dénombrement homérique qui ne tient pas moins de dix-neuf pages dans la traduction de M. Loth. Après quoi, le dialogue reprend :


ARTHUR. — Je n’ai jamais rien entendu au sujet de la jeune fille que tu dis, ni au sujet de ses parens. J’enverrai volontiers des messagers à sa recherche : donne-moi seulement du temps.

KULHWCH. — Volontiers : tu as un an à partir de ce soir, jour pour jour.


Les messagers reviennent sans avoir rien trouvé. Kei, alors, Kei, le héros prestigieux, le compagnon favori d’Arthur, s’offre à se mettre en campagne avec Kulhwch, jusqu’à ce que celui-ci ait découvert la dame de ses rêves ou constaté qu’elle n’existe point. D’autres guerriers, puis, en fin de compte, Arthur lui-même, se joignent à eux. Ce n’est pas ici le lieu de les suivre dans leur merveilleuse aventure, semblable à toutes les histoires de « princesses lointaines » dont s’enchanta l’imagination du moyen âge. Je m’en voudrais cependant d’omettre la jolie scène où Kulhwch et sa fiancée idéale se trouvent pour la première fois en présence l’un de l’autre. C’est dans la hutte du berger Custennin, gardien des moutons du terrible Yspaddaden Penkawr. La jeune fille est vêtue d’une chemise de soie rouge-flamme et porte autour du cou un collier d’or, également rouge, rehaussé de pierres précieuses et de rubis. Ses cheveux sont « plus blonds que la fleur du genêt, » sa peau « plus blanche que l’écume de la vague ; » la forme de sa main est pareille au « trèfle des eaux, » et sa gorge est de la nuance délicate de celle du cygne. Elle entre et va s’asseoir sur le banc principal, auprès de Kulhwch, qui, du plus loin qu’il l’a vue, a deviné que c’était elle.