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ses goûts d’indépendance l’écartent des drapeaux, et il y est tacitement encouragé par ses propres officiers, qui préfèrent se réserver la solde de leurs hommes. Les askar sont uniformément vêtus d’un large pantalon de cotonnade bleue et d’une veste rouge ; leur coiffure est une simple chéchia ; ils sont armés de fusils Gras et Martini ; il va sans dire qu’au premier besoin d’argent, ils s’empressent de battre monnaie avec leur armement et leur équipement. Tous ces tabors, qui sont le gros de l’armée chérifienne, et représentent nominalement une vingtaine de mille hommes, forment l’infanterie ; les plus importans sont complétés par un petit escadron de cavaliers ou par une section de mitrailleuses. Il s’y joint quelques batteries d’artillerie, manœuvrées par plusieurs centaines d’artilleurs, tubjia, recrutés parmi les quatre tribus makhzen, avec un certain appoint de volontaires, et instruits par la mission militaire française. Les canons en service sont de toutes provenances, mais la plupart ont été mis hors d’usage par l’incurie marocaine. Depuis un an, Moulay-abd-el-Aziz a entrepris de se constituer une cavalerie, avec des Chaouya, des Abda, des Doukkala, et aussi des volontaires ; en tout, 7 ou 800 hommes, dont il a confié l’instruction à la mission militaire française et à un major anglais, appelé pour la circonstance.

Ces forces d’infanterie, d’artillerie et de cavalerie, qui sont toute l’armée permanente, doivent rester auprès du makhzen ; quelques détachemens sont cependant répartis, comme garnison, sur plusieurs points du pays ; il en existe à Mékinez, à Tanger et à Ouazzan ; un tabor entier réside au Tafilelt ; un autre à Tiznit, dans le Sous ; en temps normal, la garnison d’Oudjda doit être reliée à Fez par une série de postes, qui occupent les kasbahs de Miknasa, de Messoun et d’Ayoun-Sidi-Mellouk ; ces postes ont été naturellement enlevés par les rebelles, dès le début de la présente agitation. La garnison des ports est assurée par des tabors locaux, appuyés de quelques artilleurs.

Le makhzen dispose de cette armée, pour la lancer, en cas de besoin, contre les tribus récalcitrantes, et exiger la rentrée des impôts arriérés. Les askar se jettent sur la tribu désignée, y font main basse sur la volaille et le bétail, brûlent les villages, coupent quelques têtes et se retirent, après que le makhzen a obtenu satisfaction par l’intermédiaire des chorfa locaux. Quand il s’agit d’une expédition plus importante et que l’on s’attend à