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bourdonnant de strikers, de « maîtres-chanteurs, » qui, les uns et les autres, obligent par instans à se demander si vraiment il reste à un honnête homme tombé dans une pareille société autre chose à faire qu’à prendre son revolver, et l’on s’émerveille que les Américains en usent si modérément ! De là, ces élections au Parlement, ridicules ou révoltantes, qui font dire proverbialement : « Vil comme un député ! » et, par elles, le pitoyable abaissement du niveau de la valeur dans les Chambres, abaissement accéléré encore par la règle de la rotation des emplois, — du changement pour que tout le monde y goûte ! — appliquée aux élections législatives comme au reste, et par cette autre règle de n’admettre que l’available candidat, le candidat qui se prête complaisamment à tout. C’est ce que les outsiders, — car le langage des courses rend expressivement et vigoureusement le caractère de cette politique qui se présente comme une épreuve de sport et qui n’intéresse dans le citoyen que l’instinct de la lutte et du jeu, — c’est donc ce que les outsiders, ou les chevaux sur lesquels on ne compte pas, qui ne sont pas cotés, les dark horses, acceptent plus volontiers que ceux dont leur valeur et leur histoire devaient faire les grands favoris ; et c’est pourquoi les outsiders et les dark horses sont, en retour, plus volontiers acceptés des « entraîneurs, » des électeurs ; c’est pourquoi, enfin, il n’est pas rare qu’ils gagnent les plus belles courses, jusques et y compris la course présidentielle.

A Dieu ne plaise, ayant renoncé à faire une fois de plus le tableau des gabegies de Tammany Hall, qu’une fois de plus nous allions faire le tableau de cette cérémonie tout ensemble burlesque et solennelle qu’est, sous le régime du Caucus, une élection à la présidence ! Processions avec costumes, emblèmes et insignes, qui sont un peu des mascarades et sont complètement des impostures en ce qu’elles ont pour objet de tromper sur la force réelle des partis, booms à l’intérieur et à l’extérieur, tapage orchestré, acclamations et imprécations, bans battus par une claque et musique hurlée par un orphéon de sauvages, bruit infernal qui tend à déchaîner et à exaspérer, avec la folie des foules assemblées, leur rage d’imitation ; chocs violens d’onomatopées comme celles-ci :

Ho, ha, he ! who are we ?

ou encore :