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sans de laborieux efforts. Bien des millions ont été dépensés en pure perte, et voici pourquoi : les gaz des hauts-fourneaux contiennent, d’ordinaire, de 3 à 14 grammes de poussières par mètre cube, poussières formées presque uniquement d’oxydes métalliques (chaux, oxydes de fer, d’aluminium, etc.). A première vue, ce chiffre n’est rien ; en réalité, il est énorme. C’est avec beaucoup de peine, déjà, qu’on était arrivé à débarrasser de la vapeur d’eau et des poussières qui les encrassaient les prises de gaz des récupérateurs. Mais ces poussières étaient encore plus gênantes dans les premiers moteurs à gaz de hauts fourneaux construits : elles encombraient les soupapes, arrêtaient leur fonctionnement et nuisaient, surtout, à la soupape d’échappement par où les gaz, après l’explosion, passent à des températures très élevées.

Aujourd’hui, ces difficultés sont vaincues. Les procédés de nettoyage sont tels qu’il suffit d’un litre et demi d’eau pour réduire le poids des poussières à la faible teneur de 5 centigrammes par mètre cube de gaz : l’air de nos villes en contient davantage. En même temps, les moteurs à gaz de hauts fourneaux eux-mêmes se sont perfectionnés. C’est pourquoi nombre de grandes usines sont, actuellement, pourvues de moteurs de ce genre, de 600, 1 000, 1 200 chevaux (on en construit même de 4 000 chevaux), et ce n’est pas sans une certaine admiration que le visiteur, lorsqu’il pénètre dans les halls qui, comme à Jœuf, leur sont réservés, contemple ces monstres nouveaux, enfans de la science moderne, constate la régularité de leur marche et suit du regard la course vertigineuse de leurs massifs et énormes volans.

Mais ce n’est pas tout.

Non seulement, désormais, les hauts fourneaux se suffiront à eux-mêmes, mais encore on estime qu’ils laisseront disponible une quantité de gaz assez considérable pour fournir, au moins, 10 chevaux par tonne de fonte fabriquée. C’est dire qu’une aciérie, une fonderie surtout, comme la célèbre fonderie de Pont-à-Mousson, après avoir assuré tous ses services, pourra, dans certains cas, alimenter par-dessus le marché des industries annexes, des fours électriques, par exemple, éclairer les villes ou les villages voisins, etc.

Quant à l’économie globale de combustible qui doit résulter de l’utilisation, ainsi entendue, des gaz que les récupérateurs laissent libres, il est difficile de s’en faire une idée bien précise ;