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raser, au-dessus des oreilles, deux grosses touffes de cheveux, qui leur donnaient le plus féroce aspect ; cet usage est maintenant abandonné au vulgaire des mokhaznis.

Les règles de la vie religieuse permettent également aux gens makhzen de se singulariser ; et ils ne peuvent pas appartenir aux mêmes confréries que le commun des mortels. Suivant l’exemple de Ba-Ahmed, qui jugeait utile à sa politique de concilier les influences sahariennes, la plupart se sont affiliés à la confrérie du Chérif Ma-el-Aïnin, établi à Chenguit, entre le Draa et la Seguiet-el-Hamra. On dit Moulay-abd-el-Aziz lui-même affilié à cette confrérie, qui, en dehors du makhzen, compte fort peu d’adeptes au Nord de l’Atlas.

A part les vizirs, qui disposent de belles maisons et que leur situation oblige à un certain train d’existence, le personnel makhzénien, sous l’influence des déménagemens multiples que nécessitent les déplacemens de la cour, est contraint de mener une vie très simple. Il y a plus de luxe et de raffinement dans la société maure que du côté makhzen. D’autre part, les tribus privilégiées ayant été le point de départ de l’institution gouvernementale, les coutumes bédouines ont prévalu au sein du makhzen ; les femmes makhzen se coiffent du foulard, et non point du hantouz des femmes de Fez ; on use, dans ce milieu, non point du pur arabe des villes hadhariya, mais d’un dialecte campagnard, qui fait la joie des Maures, toujours enclins à l’opposition et prompts à mettre en parallèle leur propre culture avec la grossièreté du makhzen.

Si le langage usité au makhzen est d’une pureté contestable, le style employé pour la correspondance administrative est d’une extrême correction, et inspiré de l’arabe le plus littéraire. Même à l’époque où la plupart des fonctionnaires sortaient des tribus makhzen, on avait soin de choisir un lettré pour grand vizir ; plus récemment, l’introduction de l’élément maure a assuré le recrutement d’un personnel de secrétaires, d’une culture délicate et raffinée. Il s’est ainsi formé un style makhzen, d’une allure légèrement condescendante, comme il convient à une aussi majestueuse institution, avec des tournures particulières, des formes de discussion et même un vocabulaire spécial, qui, à défaut de mots ? rabes appropriés, fait de larges emprunts à la langue espagnole.

Ce n’est pas seulement la correspondance qui est soumise,