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ambiante ; de plus, au lieu d’opérer, comme dans un four à puddler, sur quelques centaines de kilogrammes, ce sont des tonnes entières que l’on traite d’un seul coup, et, pour obtenir un aussi brillant résultat, il suffit de verser dans une gigantesque cornue en tôle (convertisseur) la fonte fluidifiée et de lancer dans cette masse de violens courans d’air qui la traversent de part en part. Cet air, à la fois, oxyde, chauffe et brasse la matière métallique : spontanément le carbone prend feu et sa combustion, rapide et générale, dégage une quantité de chaleur tellement énorme, tellement concentrée que, sans aucune dépense de combustible, la masse traitée reste liquéfiée pendant toute la durée de l’opération, tandis que, comme on l’a vu plus haut, dans un four à puddler, elle a sans cesse besoin d’être fortement réchauffée par la flamme du foyer.

Il semble alors que rien ne doive être plus facile, en réglant de façon convenable la pression de l’air injecté que de transformer directement la fonte, soit en fer, soit en acier ; et si l’on songe, en outre, à l’évidente économie du procédé, il peut paraître surprenant que la découverte de sir H. Bessemer n’ait pas été, dès la première heure, appréciée comme elle le méritait. En voici la raison. Certes, il est merveilleux de pouvoir affiner d’un seul coup, comme on le fait aujourd’hui de quinze à vingt tonnes de fonte en vingt minutes environ, tandis que la charge d’un four à puddler n’a jamais dépassé 500 kilogrammes et a toujours exigé une heure de travail au moins. Encore faut-il, lorsqu’on opère sur de telles masses, être assuré du succès. Or, à l’origine du Bessemer, on ne savait pas régler le vent soufflé, on dépassait le but, on brûlait une partie du fer, d’où la formation abondante d’un oxyde qui rendait le métal obtenu impropre à tout usage. La puissance même du procédé en faisait la faiblesse !

Heureusement qu’en 1862, Mushet découvrit l’indispensable agent de raffinage, c’est-à-dire le corps capable de réduire cet oxyde, dont la production, quoi qu’on fasse, est, d’ailleurs, inévitable : cet agent est le manganèse, qu’on introduit dans le convertisseur, alors que la décarburation est aussi complète que possible, sous forme de fontes fortement manganésées. Ces fontes, préparées dans des hauts fourneaux spéciaux et dont quelques-unes (ferro-manganèses) contiennent jusqu’à 80 pour 100 du métal réducteur, jouent un double rôle : leur manganèse