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conclues et de la reconstitution du Zollverein, une base légale appuyée sur des faits pour le développement indépendant des intérêts nationaux du peuple allemand. » (7 septembre 1867.)

C’était la notification que la « neutralité attentive » de Thiers, de Rouher et de la Chambre ne suffisait pas à l’Allemagne et qu’elle exigeait la stricte neutralité, c’est-à-dire la liberté de faire à son gré, quand il lui conviendrait, malgré le traité de Prague, l’union de l’Allemagne du Nord et de celle du Sud comme l’Italie l’avait faite malgré le traité de Villafranca.

Cette dépêche raviva en Allemagne la popularité de Bismarck, tant soit peu entamée par l’abandon de la forteresse de Luxembourg ; elle inquiéta à peine les États du Sud ; et elle excita en France une protestation à peu près unanime. Duvernois dans le journal l’Époque, soldé par l’Empereur, opposant au système de Bismarck celui dont Thiers s’était fait naguère à la tribune le théoricien applaudi, déclarait que « la France n’entendait pas faire violence aux populations du Rhin par une annexion brutale ; qu’il ne lui convient en aucune façon de s’attacher au pied une Vénétie ou une Pologne ; qu’elle ne veut, sous aucun prétexte, imiter les violences de la Prusse, mais déclarer en même temps qu’elle s’opposera, même par les armes, à l’absorption directe ou indirecte des États du Sud par la Prusse. Voici la politique que nous conseillons à la France ; elle se résume en peu de mots : ni agrandissement territorial, ni amoindrissement. »

Emile de Girardin seul, reprenant les objections que j’avais opposées à Thiers, combattait cette politique qui, sous son faux air de désintéressement, nous avait conduits jusque-là, au Luxembourg et dans le Sleswig, de reculade en reculade, aux amertumes de l’impuissance. « Si la France est assez forte pour dire à la Prusse : Vous ne franchirez pas la ligne gauche du Mein ! alors qu’elle lui dise plutôt : La rive gauche du Mein m’est aussi indifférente qu’étrangère, mais, usant de ce droit de conquête que vous venez de ressusciter, je vous demande la rive gauche du Rhin qui m’a appartenu et à laquelle je n’ai plus aucune raison de renoncer. » Cependant il ne conseille pas à la France cette revendication, la seule soutenable. « Quant à contester aux Allemands le droit d’être maîtres chez eux et de se gouverner à leur gré, sous prétexte que telle forme de gouvernement peut les rendre plus forts que telle autre, c’est forfaire à l’équité. N’y a-t-il donc qu’une seule manière pour un peuple de croître en force et en