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et Napoléon III ne s’en séparèrent pas moins dans des termes très affectueux.

L’apparition du terrible trio prussien au milieu des fêtes de l’Exposition me rappelle celle des trois masques dans le sublime finale de Don Juan. Tout chante, tout rit, tout danse, et cependant les douloureuses harmonies qui font pressentir la catastrophe assombrissent déjà les accords joyeux.

Le prince Napoléon s’était tenu en Italie pendant le séjour du Tsar et du roi Guillaume. Il revint après leur départ. Il trouva l’Empereur content, mais las, et charmé que ce fût fini : « C’est bien ennuyeux ! on ne sait que se dire, et toujours en uniforme et en fête à mon âge, quelle fatigue ! — N’ont-ils pas, demanda le Prince, parlé politique et traité d’affaires ? — Non, dit l’Empereur, pas une demi-heure. Gortchakof qui est un grand bavard m’a dit avec emphase : « Ce voyage sera un événement, » puis j’ai attendu et il ne m’a plus rien dit. Avec Bismarck nous avons également parlé fort peu ; le roi Guillaume s’est entretenu de tout, sauf de politique. Il a d’ailleurs plu, tandis que le Tsar a paru fort hautain. Ils sont venus simplement visiter Paris et s’amuser. » Voilà en quelques mots les résultats positifs de cette visite des souverains sur laquelle certains chroniqueurs d’antichambre ont écrit tant de fables, et certains faiseurs d’histoires diplomatiques tant de profonds commentaires.


IV

Les petits princes arrivèrent après les grands : le vice-roi d’Égypte, qui se montra gracieux, généreux, et qu’on jugea très intelligent ; les rois de Wurtemberg et de Bavière. L’Empereur raconta au conseil des ministres que ce dernier se serait écrié : « Je me repens d’avoir confié les affaires à Hohenlohe ; il est trop prussien. Je reprendrai Pfordten[1]. »

Un autre personnage, le prince Antoine de Hohenzollern, vint aussi, mais incognito. Des mésintelligences s’étaient produites entre Charles de Roumanie et Napoléon III, son protecteur. L’Empereur était mécontent des rigueurs exercées contre les Juifs ; de l’allure prussienne que son protégé donnait à son gouvernement ; de la nomination d’un officier prussien, comme organisateur de

  1. Carnet du maréchal Vaillant du 21 juillet 1867.