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été accueillies au moment où elles ont été faites ? M. Delcassé a été sur ce point très discret, et il semble bien qu’il n’y ait fait aucune réponse, comme s’il avait craint de s’engager dans une controverse délicate sans doute, mais devant laquelle il ne fallait pourtant pas reculer. À ce moment précis, qui sait si on n’aurait pas pu, sinon faire admettre par le gouvernement pontifical le sens que nous donnions au voyage de M. le Président de la République à Home, au moins le lui faire comprendre ? En engageant la discussion, il y a tout lieu de croire que les objections auraient perdu de leur force et de leur acuité. On aurait préparé ainsi le vote parlementaire qui devait clore le débat. « La diplomatie ne se fait pas seulement à coups de notes, à coups de télégrammes, a dit M. Ribot ; elle se fait de prévisions, de prévoyances, de démarches qui empêchent les choses de venir à l’extrémité fâcheuse où elles sont venues. A quoi servirait-il d’entretenir un ambassadeur à Rome, si ce n’est précisément pour prévenir ces heurts et ces apparences de rupture ? » Et M. Ribot, poursuivant ses observations, s’est demandé si ce langage qu’on peut qualifier de préservatif et de préventif, avait été tenu à Rome, avait été tenu à Paris. A ses yeux, les intentions du gouvernement pontifical ne sont pas douteuses ; elles ne le sont d’ailleurs pas davantage à ceux du gouvernement. Le Pape ne voulait pas une rupture, même mitigée, et, si sa note a produit cette conséquence, c’est contrairement à ses prévisions. Son attitude actuelle en est la preuve ; il maintient son nonce à Paris ; il laisse passer l’orage ; il s’applique à tout ménager. N’était-il donc pas possible, en s’appuyant sur ses intentions certaines, de lui faire sentir que certaines démarches de sa part iraient à l’encontre du but qu’il se proposait d’atteindre, et créeraient une situation qui n’était sûrement ni dans ses projets ni dans ses vœux ?

Il fallait le tenter, et tout porte à penser qu’on s’en est abstenu. Le Pape a cru, il a eu lieu de croire, qu’il serait tenu compte de ses observations, puisqu’on les avait accueillies sans rien dire. L’événement seul lui a montré le contraire, et voilà comment il a été amené à écrire une note dont il n’a sans doute pas bien mesuré les termes, en quoi il y a eu de sa faute et de la nôtre. Le choc s’est produit parce qu’on n’avait rien fait, ou parce qu’on n’avait pas fait ce qu’il aurait fallu faire pour le prévenir. On aurait pu du moins atténuer d’une manière sensible la dureté du frottement. La Chambre, par la manière dont elle a écouté M. Ribot, a montré qu’elle pensait comme lui. Il était manifeste qu’elle regrettait l’incident et qu’elle ne l’avait pas voulu plus que le gouvernement pontifical lui-même. Si la bonne