Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chaque matin, pour installer la makhzénia dans la partie du Dar-el-makhzen, qui leur est spécialement réservée. Une fois faite la prière de l’aube, vizirs et secrétaires s’acheminent sur leurs mules vers le Dar-el-makhzen : leurs montures s’alignent dans le méchouar, tandis qu’eux-mêmes, franchissant la porte principale et les passages d’accès, pénètrent dans une grande cour, qui est le centre de la makhzénia. La disposition en est uniforme, car le gouvernement de l’empire doit toujours se retrouver dans un local identique, soit dans une cour oblongue, sur les côtés de laquelle s’ouvrent, précédées d’une colonnade, une série de chambres, qui sont les beniqas des ministres. Tout au fond, au premier étage et prenant jour sur un balcon, la Koubbet-en-Nasr (pavillon de la Victoire), qui renferme le cabinet de travail du souverain et où il accède directement du Palais par un corridor intérieur. Cette cour unique réunit tous les départemens ministériels, où aboutissent les affaires du Maroc entier.

Jusqu’à une date récente, il suffisait, pour manier cet appareil politique, d’un vizir et de quelques secrétaires ; ils étaient sept en tout, sous le règne de Moulay-abd-er-Rahman ; mais, dans ces derniers temps, les questions se sont compliquées, la makhzénia s’est développée outre mesure, et elle comporte désormais un véritable ministère, avec un personnel de quelque quatre-vingts secrétaires. Les principaux ministres sont maintenant appelés vizirs par, courtoisie ; en fait, le seul d’entre eux qui ait droit à ce titre est le grand vizir, l’ouzir, le ministre de l’Intérieur. En principe, ce personnage est le véritable chef du gouvernement, l’homme d’État auquel incombe le soin redoutable de maintenir les divisions des tribus, afin d’assurer la suprématie du makhzen. L’ouzir devient, de ce fait, le grand maître de toute l’administration marocaine.

A côté des fonctions prépondérantes de l’ouzir, les autres ministres ne pouvaient plus être, dans le passé, que d’assez minces personnages. La politique extérieure revient à l’ouzir-el-bahr (le ministre de la mer). C’est lui qui assure les rapports du Maroc avec les Puissances. Comme le corps diplomatique réside à Tanger, fort loin du makhzen, le contact s’établit par l’intermédiaire d’un naib-es-sultan, installé dans cette ville et qui devient, pour la circonstance, le khalifa du ministre des Affaires étrangères. L’allef (le payeur) remplit les fonctions de ministre de la Guerre ; il n’était primitivement que l’intendant, chargé de