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aboutir, le 11 mars, à Forcados, après soixante-trois jours de route, dont vingt-trois d’arrêts, employés à des reconnaissances ou des observations astronomiques.


Le plan adopté par le capitaine Lenfant lui a fourni les élémens d’un travail d’ensemble sur le Tchad, ses abords et les contrées qui l’environnent, comparées aux vastes régions de l’Afrique occidentale française, qu’il avait précédemment parcourues.

Il résulte de cette étude que le Kotoko est complètement déshérité. Sur le sol d’argile, périodiquement inondé, par lequel l’Allemagne accède au Tchad, l’indigène mène une existence misérable. L’Angleterre est mieux partagée que sa voisine, mais moins bien qu’on ne le suppose. Les terres du Bornou, comparables, sans cependant les valoir, à certaines zones du Sénégal et du Niger, sont suffisantes pour les besoins de la population actuelle. Elles s’adaptent suffisamment à la culture du petit mil ; dans les bas-fonds, où l’humus s’est accumulé, poussent le coton et le tabac. Les Kanouris, qui vivent dans cette contrée, y font l’élevage du bétail et possèdent d’excellens chevaux, mais l’industrie est embryonnaire. La Comme, les dattes, le cuir, les plumes, seraient les seuls articles d’importation que, dans de faibles proportions, l’Europe pourrait utiliser. Kouka se repeuple et ce marché, autrefois célèbre, récupérera sous une administration vigilante une part de son ancienne prospérité.

La zone stérile qui s’étend au sud du Tchad affecte, paraît-il, le Baguirmi comme le Kotoko. Seuls le Berirem et les îles sont susceptibles d’une certaine culture. Quant au Kanem, que la mission Joalland-Meynier fît entrer dans notre domaine, ses ressources, comparables à celles du Bornou, sont loin d’égaler nos bonnes terres du Niger français.

L’opinion très nette du capitaine Lenfant est qu’au-dessus de 40°30’ de latitude nord, le Soudan central n’offrira jamais que d’assez maigres profits aux Européens. Plus au sud, les conditions sont différentes. La région que les Peuhls occupent à l’ouest du Logone et au Nord du Kabi est pleine de promesses ; les pays moundang et laka sont dès à présent colonisables. Là, le sol est fertile et propre à la culture autant qu’à l’élevage. Le mil, le tabac, le riz, le karité s’y rencontrent ; le coton, récolté par les indigènes, est tissé sur place ; une industrie se trouve en germe dans cette fabrication, et les étoffes de Binndéré, que nous avons eues sous les yeux, supposent un outillage assez perfectionné.